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À propos de l’homosexualité :

ce que Freud a dit

Sara FLANDERS, François LADAME, Anders CARLSBERG, Petra HEYMANNS, Despina NAZIRI et Denny PANITZ


Résumé : Cet article étudie les écrits de Freud sur l’homosexualité, depuis ses premières hypothèses exprimées dans les lettres à Fliess jusqu’à ses dernières observations publiées dans L’Abrégé de psychanalyse en 1940, après sa mort. Nous suivrons la continuité et les changements de sa pensée en structurant notre article selon les concepts suivants : 1) La bisexualité, 2) Le narcissisme et choix d’objet, narcissisme et identification, 3) Le normal et le pathologique et 4) Le facteur quantitatif et l’agression. Nous montrerons que Freud est le premier à confirmer l’existence d’homosexualités multiples, qu’il ne propose pas de réponse en termes binaires noir/blanc à la question de la normalité et du pathologique bien qu’il contribue à rendre intelligible la véhémence qui entoure ce thème et que, au sein d’une œuvre considérable, il fournit des bases riches et variées pour la poursuite des réflexions sur le sujet.

Mots-clés : homosexualité, bisexualité, narcissisme, normalité, identification, agressivité.

 

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Dans l’ensemble, l’étude de la pensée de Freud à propos de l’homosexualité nous a conduits à souligner la complexité de ses positions, ses points de vue parfois contradictoires du fait qu’il situe l’homosexualité au sein d’un champ théorique toujours plus large, évoluant et se développant constamment. De fait, ce panorama est trop vaste pour être circonscrit, simplifié ou pour y trouver un principe de base. Le thème de l’homosexualité revient dans les écrits de Freud tout au long de sa vie, de sa recherche intellectuelle et clinique révolutionnaire : ce thème se transforme au fur et à mesure que les intérêts de Freud changent et se développent, évoluant au gré des découvertes et des questions cliniques dont il s’inspire tout autant qu’il les nourrit. Ce thème est examiné à partir de bases qui se modifient et l’éclairage provient de différents points de vue au fur et à mesure de son évolution : il aborde successivement la question princeps de la nature du développement sexuel, avec en particulier le rôle de la sexualité infantile dans la construction de la sexualité adulte (1905), ensuite le rôle du narcissisme dans l’orientation du choix d’objet (1910), il poursuit avec la nature des identifications œdipiennes dans la structuration du psychisme, le thème de Le Moi et le Ça (1923), puis avec la nature de la sexualité féminine (1931), jusqu’à la contribution de l’agressivité dans le conflit entre les tendances bisexuelles dans la personnalité (1937, 1930). Et même lorsque Freud en vient à proposer un modèle pour un certain nombre de cas de développement homosexuel, il renie souvent sa position : il ne s’agit que d’une tendance, d’un processus qu’il a remarqué.


Toutefois, Freud reste globalement fidèle à la position adoptée en 1905 qui considère que la sexualité humaine adulte sous toutes ses formes résulte d’une évolution complexe commençant au cours de la prime enfance, dès la relation initiale avec la mère, la première séductrice. A partir de ce schéma général, sa compréhension se complexifie, s’approfondit et s’enrichit. En même temps, ce vaste corpus révèle ses limites : il n’y a pas seulement bien davantage à apprendre d’une perspective psychanalytique, il existe aussi des limites à la compréhension psychanalytique. On ne peut pas échapper à la culture populaire et au bon sens auxquels Freud a tenté de s’opposer dans Les trois essais (1905). De même que dans ses discussions sur le féminisme et la sexualité féminine, Freud n’est pas à l’abri de se trahir par des préjugés populaires dans ses écrits ; cependant, lorsqu’il s’agit d’homosexualité, il peine à les identifier, à les éclairer et à les tenir à distance. D’habitude, il réussit à adopter une attitude distante et dépourvue de jugement, il reste néanmoins très conscient que c’est un sujet toujours marqué par des attitudes sociales, car la vie culturelle influence le chercheur et son objet. Ici, nous tenterons de présenter la diversité des points de vue de Freud concernant l’homosexualité en accordant une attention particulière aux constantes et aux contradictions de ses constructions. Notre article est divisé en quatre parties : la première traite de la bisexualité ; la deuxième, du narcissisme, du choix d’objet et de l’identification ; la troisième s’intéresse à la question du normal et du pathologique ; et la quatrième aborde le facteur quantitatif et l’agressivité. Nous espérons porter sur la pensée de Freud un éclairage à la fois différent et prudent.

 

La bisexualité

La proposition qui revient de la façon la plus constante et significative dans la pensée de Freud au sujet de l’homosexualité est celle, jamais prouvée ni explicitée en détail, selon laquelle chaque individu est doté d’une bisexualité innée, enracinée dans le psychisme et dans le biologique. En 1925, comme il l’avait déjà dit plus tôt (1905), il relie la bisexualité à l’homosexualité : « les racines de l’homosexualité se trouvent dans la bisexualité constitutive de tous les êtres humains. » (Freud, 1925b, p. 48). L’homosexualité se développe mais la bisexualité, dans toute son ambigüité, en est le fondement. Dès les lettres à Fliess et jusqu’à L’Analyse avec fin et l’analyse sans fin (Freud, 1937), la question de la bisexualité ressurgit et l’accent est mis sur ses manifestations psychologiques ou physiques, et habituellement les deux à la fois mais d’une manière implicite. C’est Fliess qui avait à l’origine forgé cette notion qui reste le témoignage de cette première amitié intellectuellement constructive. En 1896, Freud écrit à son confident intellectuel qu’il est perplexe devant la manière dont il comprend les différentes réactions aux expériences sexuelles prématurées : « Je m’aide de la bisexualité de tous les êtres humains » (Lettre à Fliess 112, 6 décembre 1896, 1950, p. 269). Autrement dit, il prend appui sur cette théorie. Ou, dans une autre traduction de l’allemand, « se servait » de la théorie de Fliess qui est restée sur le métier durant toute sa vie. A l’époque où il s’approprie pour la première fois cette notion, Freud décrit à Fliess ce qu’il pense être les conséquences perverses ou névrotiques d’une expérience sexuelle prématurée. Pervers prend ici le sens d’une mise en acte compulsive de la recherche de plaisir, qu’il associe ici à la masculinité, tandis que l’inhibition névrotique, dans ce contexte, il l’identifie à la féminité. Dans cette première définition de la bisexualité, il relie différentes caractéristiques psychologiques à des potentialités bisexuelles, la masculinité étant considérée comme active et la féminité comme passive. Il est intéressant de noter que, dans ces discussions initiales, une orientation purement féminine ou purement masculine est considérée comme une construction arbitraire. Il affirmera explicitement beaucoup plus tard, dans son article sur Quelques conséquences psychiques de la différence anatomique entre les sexes (1925a) : « Tous les individus humains, par suite de leur prédisposition bisexuelle et de l’hérédité croisée, réunissent en eux des caractères masculins et féminins, de sorte que la masculinité et la féminité pures restent des constructions théoriques au contenu incertain » (p. 201).

Trois ans après s’être emparé de la théorie de Fliess, il écrit de manière plus assurée, moins spéculative dans une lettre à Fliess : « Reste la bisexualité ! Tu as certainement raison à son sujet. Je m’habitue d’ailleurs à concevoir chaque acte sexuel comme un processus entre quatre individus » (Lettre à Fliess 113, du 1er août 1899, 1950, p. 462). L’accent mis sur la sexualité devient plus viscéral et plus spécifiquement sexuel, en articulant la double orientation de chaque individu et, en se référant aux individus, en affirmant qu’au sein de chaque personne il existe un « individu » complet mâle et femelle. Des années plus tard, en particulier en 1923 dans Le Moi et le Ça, cette conception se retrouvera au cœur de sa compréhension du complexe d’Œdipe et des identifications masculines et féminines qui en découlent. A cette époque, il était davantage au fait des complexités de l’identification. Mais dès 1905, il écrit : « Depuis que j’ai pris connaissance de la perspective bisexuelle, je considère ce facteur comme celui qui est ici déterminant, et je pense que sans tenir compte de la bisexualité, on ne pourra guère parvenir à comprendre les manifestations sexuelles que l’on observe effectivement chez l’homme et chez la femme » (1905, p. 129).

Le concept de bisexualité ne se limite pas à son application dans le domaine qui nous préoccupe, l’homosexualité. La bisexualité est toujours présente quand il s’agit d’étudier l’homosexualité. En 1905, dans Les trois essais, Freud affirme : « Même dans l’inversion, il faut tenir compte d’une constitution bisexuelle, sauf que nous ne savons pas en quoi cette disposition consiste » (1905, p. 30). Lorsqu’il poursuit l’étude des manifestations de l’homosexualité, il s’intéresse aux hommes homosexuels qui sont virils, dans le sens où ils ont « conservé le caractère psychique de la virilité », mais cherchent des attributs féminins dans leurs objets, comme par exemple dans la Grèce antique. Il relève alors un compromis entre « une impulsion qui réclame l’homme et une autre qui réclame la femme, tout en maintenant la condition de la virilité du corps (des organes génitaux), [ajout 1915] : l’objet sexuel est pour ainsi dire un reflet de la propre nature bisexuelle » (1905, p. 31).

Ici, à travers le prisme de la bisexualité, Freud découvre un élément hétérosexuel dans le choix d’objet homosexuel. En 1920, lorsqu’il examine la possibilité d’un retournement du choix d’objet chez un patient, il nous met en garde tout en rappelant un cas pour lequel l’analyse a rendu possible l’accès à l’autre sexe en restaurant « complètement les fonctions bisexuelles du patient » (1920, p. 262). Le socle ordinaire, normal, sur lequel se construit l’identité sexuelle à partir de laquelle s’élabore une préférence dans la plupart des cas, est bisexuel. La bisexualité est à l’origine de toute sexualité, y compris l’homosexualité. L’attirance envers une personne de même sexe est universelle, bien qu’elle soit en général reléguée dans l’inconscient pour de multiples raisons. Et, comme il le dit lorsqu’il se penche sur « La psychogénèse d’un cas d’homosexualité féminine » chez une femme, on doit toujours « garder à l’esprit l’universalité de la bisexualité des êtres humains » (1920, p. 262). Dans l’exposé clinique de la jeune femme au cœur de cet article, Freud démontre à nouveau la présence de l’hétérosexualité dans un choix d’objet homosexuel, à travers le choix d’un objet féminin viril, dévoilant un aspect subtil de la manière dont il utilise la notion de bisexualité à partir de la vie sexuelle d’une homosexuelle. Ici comme ailleurs, lorsqu’il considère un choix d’objet homosexuel, la conception qu’il a de la bisexualité s’avère aussi insaisissable qu’elle est fermement affirmée.


La psychanalyse n’est pas appelée à résoudre le problème de l’homosexualité. Elle doit se contenter de dévoiler les mécanismes psychiques qui ont conduit à la décision dans le choix d’objet... La psychanalyse est sur le même terrain que la biologie en ceci qu’elle prend comme hypothèse une bisexualité originaire de l’individu humain (et animal). Quant à l’essence de ce que, au sens conventionnel ou au sens biologique, on nomme « masculin » et « féminin », la psychanalyse ne peut l’élucider ; elle reprend à son compte les deux concepts et les met à la base de ses travaux. Si l’on tente de les ramener à des principes plus originaires, la masculinité se volatilise en activité et la féminité en passivité, ce qui est trop peu (1920, p. 270).

On voit donc que la dimension psychologique de la bisexualité, affirmée aussi fermement que la dimension biologique, s’avère difficile à démontrer.
Le concept de bisexualité prend un aspect dynamique en 1923, dans Le Moi et le Ça, lorsque Freud montre comment la bisexualité de l’individu intervient dans le processus d’identification par le biais de l’identification aux objets perdus de l’attachement œdipien, de l’internalisation du couple parental et de l’élaboration du surmoi. Il écrit à propos du déclin du complexe d’Œdipe :

« Que la situation œdipienne ait pour issue une identification au père ou à la mère, cela semble donc dépendre dans les deux sexes de la force relative des dispositions sexuelles masculine et féminine. C’est là l’une des façons dont la bisexualité intervient dans les destins du complexe d’Œdipe. L’autre façon est encore plus importante. On a en effet l’impression que le complexe d’Œdipe simple n’est pas du tout le plus fréquent, mais qu’il correspond à une simplification ou à une schématisation, même si elle reste bien souvent justifiée dans la pratique. Une investigation plus poussée découvre la plupart du temps le complexe d’Œdipe dans sa forme la plus complète, complexe qui est double, positif et négatif, sous la dépendance de la bisexualité originaire de l’enfant : le garçon n’a pas seulement une position ambivalente envers le père et un choix d’objet tendre pour la mère, mais il se comporte en même temps comme une fille en manifestant la position féminine tendre envers le père et la position correspondante d’hostilité jalouse à l’encontre de la mère. Cette intervention de la bisexualité rend bien difficile d’y voir clair dans les relations des choix d’objet et des identifications primitifs, et encore plus difficile de les décrire d’une façon compréhensible. Il se pourrait aussi que l’ambivalence constatée dans les rapports avec les parents doive être entièrement rattachée à la bisexualité et qu’elle ne se développe pas, comme je l’ai présenté plus haut, à partir de l’identification et en raison de l’attitude de rivalité » (1923, pp. 245-6).

Il finira par affirmer que « l’intensité relative des deux identifications chez tout individu dépend de la prépondérance de l’une ou l’autre des deux dispositions sexuelles ». Ces dispositions sont innées, elles constituent la bisexualité dont chaque enfant est doté ou bien gratifié (1923, p. 246). Elles marqueront chaque étape de son développement, pèseront sur les répercussions des expériences et des accidents dans chaque histoire individuelle. Dans la suite de cette exploration fondatrice Comme on peut le comprendre dans ce travail fondamental, les restes de l’hostilité née des identifications liées aux rivalités, centrales dans le complexe d’Œdipe, nourrissent alimenteront les préoccupations ultérieures en rapport avec les conflits liés à l’identité sexuelle. Mais pour l’instant, la nature bisexuelle s’entend comme constituant le fondement fécond des identifications sexuelles ambivalentes.

Freud continuera à affirmer l’importance de la bisexualité à partir de son intégration cruciale au sein du modèle structural en 1923. D’une manière plus explicite et fermement déterminé dans sa quête d’un principe idéal, il confirmera à quel point la bisexualité reste un concept obscur.
La théorie de la bisexualité demeure très obscure encore et nous devons en psychanalyse considérer comme une grave lacune l'impossibilité de la rattacher à la théorie des instincts. Quoi qu'il en soit, si nous admettons le fait que, dans sa vie sexuelle, l'individu veuille satisfaire des désirs masculins et féminins, nous sommes prêts à accepter aussi l'éventualité qu'ils ne soient pas tous satisfaits par le même objet (1930, p. 49).
Ainsi, le modèle sur lequel Freud fonde ses idées sur l’homosexualité reste à la fois obscur sur le plan théorique et spéculatif sur le plan scientifique, bien qu’il soit utile en théorie. Il exerce en outre une vaste fonction égalisatrice dans la mesure où chaque individu est concerné par la bisexualité, car celle-ci joue un rôle dans tout aboutissement spécifiquement homosexuel au cours du développement de l’identité sexuelle.


Narcissisme et choix d’objet, narcissisme et identification

En 1909, Freud écrit dans l’Analyse de la phobie d’un garçon de cinq ans : « Il n’est en rien justifié de distinguer un instinct homosexuel spécial. Ce n’est pas une particularité dans la vie instinctive, mais dans le choix de l’objet, qui fait l’homosexuel » (p. 171). Le constat est ferme et sans ambiguïté. Dans une note ajoutée en 1915 aux Trois essais, il note : « ... tous les individus, quels qu’ils soient, sont capables de choisir un objet du même sexe, et ils ont tous fait ce choix dans leur inconscient » (1905, Gallimard, p. 51). Et, dans une note de 1919 ajoutée au Léonard, il affirme que « chacun, homme ou femme, ou bien y tient encore dans son inconscient [au choix homosexuel de l’objet], ou bien s’en défend par une énergique attitude contraire » (1910a, p. 92).

La question du choix d’objet est ainsi fermement affirmée comme étant une caractéristique définissant l’homosexualité, cependant une distinction est également soulignée dans la mesure où elle se révèle être un choix effectué par chacun, au moins inconsciemment. Il se passe quelque chose dans le développement au cours duquel une « énergique attitude contraire » milite contre le choix d’objet homosexuel qui, à un moment ou à un autre, peut se comprendre comme étant apparue dans la vie érotique et émotionnelle de tout un chacun. De pareilles complications portant sur des certitudes surgissent fréquemment chez Freud dans ces discussions de l’homosexualité.

Bien que le choix d’objet reste un élément essentiel pour définir ce qui est essentiel dans l’homosexualité, Freud réaffirme plus tard le lien entre le choix d’objet et l’homosexualité, lorsqu’en 1920 il en élargit la perspective et se distancie de la définition particulière sur laquelle il avait insisté dans ses écrits antérieurs. D’une manière significative, lorsqu’on considère la femme homosexuelle dans Sur la psychogénèse d’un cas d’homosexualité féminine (1920), Freud stipule que l’homosexualité est une affaire de trois groupes de caractéristiques, dont l’un est le choix d’objet. Les autres caractéristiques ont à voir avec les particularités physiques, « l’hermaphrodisme physique » au sens propre, c’est-à-dire la possibilité pour une personne de posséder des attributs sexuels des deux sexes. La forme la plus extrême est celle de posséder en même temps des organes génitaux masculins et féminins, ainsi que les « caractères sexuels psychiques, ou les attitudes masculines ou féminines » de l’un ou l’autre sexe. (1920, p. 269). Ces qualités physiques et psychiques dépassent la question du choix d’objet, y compris les attitudes psychiques et les expériences identitaires que l’on range aujourd’hui sous la rubrique du genre. Dès 1920, le choix d’objet n’est plus seul à définir l’homosexualité, bien qu’il conserve une place centrale dans sa définition. Dès 1920, Freud est préoccupé par les questions d’identité.

Un tournant décisif dans la pensée de Freud concernant l’homosexualité et la nature du choix d’objet survient lorsqu’il développe une théorie du narcissisme. Dès lors il est possible de proposer une compréhension psychologique et dynamique d’une voie qui conduit au choix d’objet homosexuel, ainsi qu’à l’identité homosexuelle. Dans une note ajoutée en 1910 aux Trois essais il écrit : ... ceux qui seront plus tard des invertis passent pendant les premières années de l’enfance par une phase de courte durée où la pulsion sexuelle se fixe d’une façon intense sur la femme (la plupart du temps sur la mère) et qu’après avoir dépassé ce stade, ils s’identifient à la femme et deviennent leur propre objet sexuel, c’est-à-dire que, partant du narcissisme, ils recherchent des adolescents qui leur ressemblent et qu’ils veulent aimer comme leur mère les a aimés eux- mêmes. (1905, pp. 167-168)

Il s’agit du modèle découvert et élaboré dans le long essai biographique consacré à Léonard de Vinci. Le petit garçon, illégitime dans le cas de Léonard et seul avec sa mère, est dépeint par Freud comme abandonné par son père et « trop tôt mûri sexuellement par ses baisers passionnés » (Freud 1910a, p.141), ce qui « le dépouille, par une trop précoce maturation de son érotisme, d’une partie de sa virilité. » (1910a, p. 109). Selon cette hypothèse, la mère est une mère phallique, pénétrante qui façonne le fantasme présenté par Léonard comme un souvenir précoce, dans lequel il se souvient qu’un vautour (ou un milan) « vint à moi, m’ouvrit la bouche avec sa queue et plusieurs fois me frappa avec cette queue entre les lèvres. » (1910a, p. 49) Téter le sein de la mère prend la forme passive « d’être tété » et se transforme en fantasme homosexuel passif. Le refoulement final de cet état d’excitation facilite l’identification à la mère et c’est cette identification à la mère qui devient, d’après la lecture qu’en a Freud, la base du choix d’objet narcissique de ce jeune homme, dans le cas de Leonardo, qui circule dans ses appartements et ses ateliers, et que Leonardo aime comme sa mère l’aimait.

En 1914, lorsqu’il étudie le narcissisme, Freud en élargit la perspective, affirmant qu’un « certain placement [narcissique] de la libido peut revendiquer sa place dans le développement sexuel régulier de l’être humain. (...) Le narcissisme dans ce sens, ne serait pas une perversion, mais le complément libidinal à l’égoïsme de la pulsion d’autoconservation dont une part est, à juste titre, attribuée à tout être vivant » (1914, pp. 81-82). En posant le narcissisme comme étant le complément libidinal de la pulsion d’autoconservation, Freud ouvre la voie à la possibilité que la vulnérabilité narcissique, la possibilité de vie et de mort et finalement l’angoisse face à la vie et à la mort puissent conduire au choix d’objet sexuel, c’est-à-dire à identifier, dans cet article ici ou ailleurs, le choix d’objet narcissique avec choix d’objet homosexuel.

De nouveau dans cet article, d’une manière typique, il réduit la portée générale du lien qu’il établit entre homosexualité et choix d’objet narcissique, immédiatement après avoir affirmé : « En fait nous n’avons pas conclu que les êtres humains se divisaient en deux groupes rigoureusement distincts selon leur type de choix d’objet, par étayage ou narcissique ; au contraire, nous préférons faire l’hypothèse que les deux voies menant au choix d’objet sont ouvertes à chaque être humain, de sorte que l’une ou l’autre peut avoir la préférence » (1914, p. 93-94) . La complexité se déploie encore dans ce tableau. La généralisation éclairante est suivie d’une mise en garde, d’un désaveu, d’une insistance à laisser la chose ouverte, en insistant constamment sur la complexité du sujet, c’est-à-dire sur le rapport entre homosexualité et narcissisme. Il poursuit : « Nous disons que l’être humain a deux objets sexuels originaires : lui-même et la femme qui lui donne ses soins ; en cela, nous présupposons le narcissisme primaire de tout être humain, narcissisme qui peut éventuellement venir s’exprimer de façon dominante dans son choix d’objet » (1914, p. 94). Ici, il complète l’explication avancée dans le Leonard et exprimée dans la note des Trois essais selon laquelle l’intensité de l’immersion dans la relation primaire avec la mère constitue une base possible pour développer un choix d’objet homosexuel. Un attachement trop intense et envahissant est ainsi maintenu et même renforcé en prenant comme objet un amant semblable à soi-même [self] [3] tandis que le sujet s’identifie avec une mère attentionnée, mais envahissante et puissante.

Freud relie plus ou moins l’angoisse narcissique spécifique, associée au choix d’objet sexuel, et la peur de la castration. En 1909 (Le Petit Hans) il écrit, tout en le répétant plus tard, ce point dans Remarques psychanalytiques sur l’autobiographie d’un cas de paranoïa : Dementia paranoides (1911) et dans De quelques mécanismes névrotiques dans la jalousie, la paranoïa et l’homosexualité (1922) : « Les homosexuels sont des hommes qui, de par l’importance érogène de leur propre membre viril, ne peuvent pas se passer de cette concordance avec leur propre personne dans l’objet de leur désir sexuel. Au cours de leur évolution de l’auto-érotisme à l’amour objectal, ils sont restés fixés à un point intermédiaire plus rapproché du premier que du second » (1909, p.171). L’« importance érogène » souligne surtout l’importance de la gratification libidinale. L’angoisse de castration de même que l’autoérotisme peuvent tous deux être associés à « l’égoïsme [narcissique] de la pulsion d’autoconservation » (1914, p. 82) ; la question de la survie est éveillée par les relations d’objet précoces, et la menace de castration est une menace non seulement envers les liens à l’objet érotique mais aussi envers l’intégrité narcissique.

Le choix d’objet homosexuel est une solution à l’angoisse de castration du garçon ; la signification de la castration de la vie érotique des femmes est centrale dans le développement des idées de Freud sur le développement féminin en général, en se référant spécifiquement aux femmes homosexuelles. Il relève la dévalorisation envers les femmes « considérées comme castrées » car elle détermine certains choix d’objet homosexuels chez des hommes, et il s’intéresse « aux effets du complexe de castration chez la femme ». Une des voies de développement, mais pas la seule, « la conduit femme à ne pas démordre, avec une assurance insolente, de sa masculinité menacée. L’espoir de recevoir encore une fois un pénis se maintient jusqu’à une période incroyablement tardive, il devient le but de sa vie et le fantasme d’être malgré tout un homme demeure formateur pour de longues périodes de sa vie ». Ce « complexe de masculinité » de la femme peut aussi s’achever en un choix d’objet homosexuel manifeste » (1931, p.143). Mais pas nécessairement, précise Freud. La blessure narcissique des femmes provient du dénigrement narcissique proféré par des hommes menacés narcissiquement, autant que de la reconnaissance par les femmes elles-mêmes de leur propre manque. Dans son article sur l’homosexualité féminine, il ajoute que la menace narcissique associée à l’autre menace représentée par la grossesse peuvent potentiellement conduire à un choix d’objet narcissique, et à une fuite devant « la défiguration de la maternité » comprise comme une menace envers l’intégrité corporelle (1920, p. 268).

Dans la plupart de ses considérations sur le narcissisme et sur le choix d’objet homosexuel Freud reste essentiellement fidèle à la thèse des Trois essais (1905), selon laquelle le développement sexuel commence avec la relation primaire à la mère et se déploie selon différentes phases d’individuation et de développement. La relation primaire à la mère y gagne en importance, comme dans Léonard (1910), où Freud observe que le choix d’objet peut être compris comme narcissique ; il répète et soutient en même temps la séparation de l’objet primaire intensément aimé – un trop plein – qui, du fait de son intensité, peut se comprendre comme une menace envers l’autoconservation avant d’être une menace envers l’hétérosexualité. En éclairant le paradoxe qui relie l’amour intense pour l’objet de l’expérience la plus précoce et le choix d’objet homosexuel narcissique, Freud admet que le processus attribué à Léonard, proche d’autres cas qu’il a connus, n’est « sans doute qu’un parmi bien d’autres et n’illustre peut-être qu’un type d’homosexualité » (1909 p. 101). Freud ouvre ainsi un domaine qui va de l’homosexualité aux homosexualités, un domaine entièrement en accord avec la complexité qu’il affirmait dès les Trois essais de 1905.

 

Le normal et le pathologique

Il s’ensuit que Freud n’adopte pas une position univoque à propos de la nature normale ou pathologique de l’homosexualité. S’il reconnaît par intermittence que ce débat et sa propre recherche se situent dans un contexte culturel, il cherche d’abord à approfondir sa compréhension plutôt qu’à s’engager dans cette polémique à laquelle il fait néanmoins référence. Lorsqu’il parle de sexualité, il évoque souvent le contexte social qui influence et conditionne le développement sexuel individuel, et qui empiète nécessairement sur toutes les études et tous les débats. Il ne fait pas explicitement le lien, qu’il aurait pu faire en référence à sa propre métapsychologie (en tous cas après 1923), entre ce contexte culturel et le surmoi. Il cherche plutôt à déblayer le chemin d’une démarche scientifique. Il fait parfois allusion au contexte social dans lequel s’insèrent ses recherches, en s’en distanciant : il utilise des guillemets quand il parle, à propos de l’homosexualité, de sujets « pervers » (1916-17) ou, plus encore, il évoque des inhibitions du développement dont il dit « qu’on[les] appelle perversions » (1940, p. 16) et dont l’homosexualité ferait partie.

Il résulte des recherches de Freud depuis les Trois essais (1905) une déconstruction des préjugés sur la normalité qui bouleverse la notion du normal ou du pathologique, du masculin ou du féminin. Freud découvre que les diverses activités sexuelles de la vie adulte, étudiées et divulguées par certains chercheurs au cours de la deuxième moitié du XXème siècle, trouvent leurs racines dans un développement infantile complexe toujours placé sous le signe de la sexualité. La normalité se révèle être dans tous les cas une intégration et un compromis délicat. Penser le normal et le pathologique en termes de tout ou rien est une résistance répandue contre les positions fondamentales de Freud.

Dans le premier chapitre des Trois essais intitulé « Les aberrations sexuelles », Freud appelle l’homosexualité une « inversion », et non pas une perversion, reprenant le terme moins péjoratif introduit par Havelock Ellis dans son livre de 1897 « Inversion ». Utiliser le terme inverti et penser l’homosexualité en fonction du choix d’objet, sans pulsion ou but spécifiques, correspond à une des positions théoriques fondamentales que Freud découvre au début de son œuvre. Il la retrouve plus tard dans des contextes différents, mais il l’explore et la développe d’abord au sujet de l’homosexualité. L’étude de l’homosexualité favorise l’élaboration de la théorie des pulsions en desserrant le lien supposé indissociable entre pulsion et objet. Freud répète dans le fameux passage du Petit Hans cité plus haut que l’homosexualité est banale dans l’enfance, ce qui lui permet de déconstruire la notion de pulsion. En insistant sur le choix d’objet homosexuel, Freud préserve le caractère normal de la pulsion :

« Il n’est en rien justifié de distinguer un instinct homosexuel spécial. Ce n’est pas une particularité dans la vie instinctuelle, mais dans le choix de l’objet, qui fait l’homosexuel. Je renverrai à ce que j’ai exposé dans mes Trois essais ; nous nous sommes à tort imaginés l’union entre l’instinct et l’objet comme étant plus intime qu’elle ne l’est. L’homosexuel ne parvient pas à désengager ses instincts – peut-être normaux – d’une certaine classe d’objets choisis en vertu d’une condition particulière. Hans est homosexuel, comme il est possible que le soient tous les enfants, et ceci est en accord avec ce qu’il ne faut pas perdre de vue : il ne connaît qu’une seule sorte d’organe génital, un organe tel que le sien. » (1909, p.171)

Freud écrit dans les Trois essais :

« La psychanalyse se refuse absolument à admettre que les homosexuels constituent un groupe ayant des caractères particuliers, que l’on pourrait séparer de ceux des autres individus....Pour la psychanalyse, le choix de l’objet, indépendamment du sexe de l’objet, l’attachement égal à des objets masculins et féminins, tels qu’ils se retrouvent dans l’enfance de l’homme aussi bien que dans celle des peuples, paraît être l’état primitif , et ce n’est que par des limitations subies tantôt dans un sens tantôt dans l’autre, que cet état se développe en sexualité normale ou en inversion. » (1905, p. 168)

On note la volonté de tendre vers une normalisation en mettant l’accent sur le choix d’objet. Ce que Freud confirme plus tard (Freud, 1916-1917) en écrivant « cette catégorie de pervers [qui] se comportent envers leur objet sexuel à peu près de la même manière que les gens normaux envers le leur. » (1916-17, p. 46). Ici, Freud considère les homosexuels comme une catégorie de « pervers » (il abandonne le terme d’« inverti » lié à l’objet). Il maintient donc l’homosexualité dans le champ des perversions tout en soutenant que cette catégorie à part se comporte à peu près comme les « sujets normaux ».
En 1905, il étudie la distinction entre objet et but et la raison qui l’empêche de définir un but spécifique aux relations homosexuelles :

« Ce qui est surtout à retenir, c’est que le but sexuel dans l’inversion est loin de présenter des caractères uniformes. Chez les hommes, le coït per anum n’est pas l’unique rapport des invertis. La masturbation est souvent le but exclusif, et des diminutions successives du but sexuel jusqu’à ce qu’il n’y ait plus qu’une simple effusion sentimentale sont plus fréquentes que dans l’amour hétérosexuel. De même chez la femme, les buts sexuels de l’inversion sont variés. » (1905, p. 30)

Freud indique ici clairement qu’il s’agit d’homosexualités plurielles dont la variété dépend des buts. Dans une note de 1915, il étudie le choix d’objet en lien avec le but sexuel : « Dans les cas d’inversion, on constate régulièrement la prédominance d’organisations archaïques et de mécanismes psychiques primitifs. Le choix d’objet narcissique et l’importance érotique conservée à la zone anale paraissent être les caractéristiques les plus essentielles des types d’inversion. » (1905, p. 169). Il précise à propos du « coït per anum » et du « dégoût éprouvé pour l’usage de l’orifice anal comme but sexuel qui marque cet usage du sceau de la perversion » que « L’argument motivant ce dégoût (cette partie du corps sert à la défécation, et est en contact avec des matières répugnantes en soi) a la même valeur que les raisons avouées par les filles hystériques pour expliquer leur dégoût de l’appareil génital masculin (il sert à la miction). Le rôle sexuel de la muqueuse anale n’est pas limité aux rapports entre hommes, et la prépondérance qu’elle acquiert n’est pas caractéristique de l’inversion. » (1905, p. 37)

Dans les Aberrations (Freud, 1905), Freud présente l’ensemble des perversions en une suite décroissante : « Certaines perversions sont, en effet, dans leur contenu, si éloignées de la normale, que nous ne pouvons faire autre chose que les déclarer « pathologiques » » (1905, p.47). Il décrit ainsi la pédophilie, la nécrophilie et le sadomasochisme qui ne sont pas spécifiques à l’inversion. L’homosexualité n’est pas considérée à cet égard comme pathologique bien que Freud la rattache dans les Trois essais à une faille développementale, l’une parmi les nombreuses stases et inhibitions qui compliquent l’évolution vers une hétérosexualité adulte (1905, p.59).

Il propose une définition de la perversion qui dépend moins de son contenu que de son rapport à l’acte sexuel hétérosexuel qui est le dernier stade du développement dans le sens où il est fondamental pour la procréation. Lorsqu’il expose toutes les façons dont la perversion se mêle à la vie hétérosexuelle, il constate que « c’est seulement dans le cas où il y a exclusivité et fixation que nous sommes justifiés en général à considérer la perversion comme un symptôme morbide. » (1905, p .48). Laissons de côté le terme « en général » qui exprime en passant l’ambiguïté qui colore si fréquemment ce sujet. Ici, l’homosexualité est considérée comme pathologique au sens où elle ne mène pas à l’acte sexuel hétérosexuel et ne soumet pas la pulsion sexuelle à la « fonction de reproduction ». « Pour des raisons d’organisation, un certain nombre de gens » sont dans l’incapacité de parvenir à une hétérosexualité adulte, ce qui « empêche le primat de la fonction de reproduction » (1908 p.35). La recherche du plaisir l’emporte sur le bien social. Quelles que soient les variations dans les inhibitions à l’aboutissement de l’hétérosexualité adulte, la définition de la perversion selon Freud s’ancre dans le lien susmentionné à la reproduction. « Nous qualifions en effet de perverse toute activité sexuelle qui, ayant renoncé à la procréation, recherche le plaisir comme un but indépendant de celle-ci. » (1916-17, p.54) Abandonner le but procréatif est également une menace pour la société qui a besoin de la reproduction. La question de l’homosexualité devient un problème de la société dans son ensemble qui cherche à soumettre la puissante pulsion sexuelle à son profit par le biais de la reproduction.

Dans ce contexte où il traite de la mise en échec du but de procréation, il évoque :

« Des groupes d'individus dont la vie sexuelle diffère de la façon la plus frappante de la représentation moyenne et courante. Quelques-uns de ces pervers ont, pour ainsi dire, rayé de leur programme la différence sexuelle... Ce sont des hommes et des femmes ayant souvent, pas toujours, reçu une instruction et une éducation irréprochables, d'un niveau moral et intellectuel très élevé, affectés de cette seule et triste anomalie. » (1916-17, p. 46)

Lorsque Freud s’avance sur le terrain du bien social, il insiste sur la contribution que les homosexuels apportent à la société, leur intérêt pour la culture dans un sens plus large, par le biais de la sublimation des capacités de reproduction socialement utiles. La capacité à se reproduire n’apparaît bien entendu qu’à l’adolescence et, selon le Freud de 1915, c’est à ce moment que se parachève, ou non, la sexualité adulte. Répétant ce qui sous- tend l’essentiel de sa compréhension du développement sexuel établi en 1905, Freud écrit à la toute fin de sa vie :

« L’organisation [de la fonction sexuelle] ne se parachève qu’à la puberté dans une quatrième phase : la phase génitale... Ce processus ne se réalise pas toujours sans dommages. Les inhibitions qui se produisent au cours de ce développement se manifestent sous la forme des multiples troubles de la vie sexuelle. La libido demeure alors fixée aux états qui caractérisent les phases les plus précoces du développement, et l’on voit se produire ces tendances indépendantes du but normal qu’on appelle perversions. L’homosexualité manifeste offre un exemple d’une telle inhibition de développement. » (1940, p. 16)

Il faut remarquer que Freud décide ici d’inclure l’homosexualité dans les perversions du but sexuel, sans la différencier comme il l’avait fait dès les Trois essais et cela pendant bien des années (1905, 1909). En 1940, l’homosexualité perd un peu de son statut privilégié puisqu’elle se définit autant par son but sexuel que par son objet. Freud tient également compte de l’ordre social lorsqu’il parle de fixations « aux états qui caractérisent les phases les plus précoces du développement...que l’on appelle perversions. » (1940, p.16).

Pourtant, Freud garde toujours présente l’idée que l’origine du choix d’objet homosexuel est normale et se retrouve dans toutes les expériences infantiles. Il affirme clairement en 1915, dans la fameuse note déjà citée des Trois essais, « l’attachement égal à des objets masculins et féminins » dans l’enfance. Plus tard, en 1925, il poursuit : « La plus importante de ces perversions, l’homosexualité, mérite à peine ce nom. Elle se ramène à la bisexualité constitutionnelle générale et à la répercussion de la primauté phallique ; au cours d’une psychanalyse, on peut découvrir chez tout le monde une part de choix homosexuel de l’objet. » (1925b, p.48) Il continue à rappeler à ses lecteurs la présence d’un élément homosexuel chez tout un chacun : « Notre libido à tous hésite normalement la vie durant entre l’objet masculin et l’objet féminin ; le célibataire abandonne ses amitiés lorsqu’il se marie, et retourne à son cercle de jeu lorsque le ménage se gâte. » (1920, p. 256).

Toutefois, comme il l’écrit, dans sa célèbre lettre à une mère inquiète citée par Jones, « l’homosexualité n’est évidemment pas un avantage, mais il n’y a là rien dont on doive avoir honte, ce n’est ni un vice, ni un avilissement et on ne saurait la qualifier de maladie ; nous la considérons comme une variation de la fonction sexuelle, provoquée par un certain arrêt du développement sexuel » (Lettre de Freud à une mère, 1935 in Jones, 2006, p. 223). Il parle à cette mère inquiète d’un « certain arrêt du développement sexuel ». Le choix d’objet homosexuel reste sous le joug du narcissisme, ce qui entrave l’aboutissement du développement sexuel au service de la reproduction que représente l’hétérosexualité adulte, elle-même également au service de la perpétuation sociale. L’homosexuel manifeste une sexualité proche du narcissisme et de l’autoérotisme (1911, p. 307, 1916-1917, p. 441-442) par son choix d’un objet possédant les mêmes organes sexuels que lui plutôt que d’un objet nécessaire à la procréation.

Freud soutient la notion d’arrêt du développement tout au long de son œuvre tout en considérant la question de l’aboutissement de la sexualité normale avec circonspection. Il considère que la pression sociale empêche souvent l’expression de l’homosexualité (1905, pp. 174-175). Par ailleurs, le chemin vers la sexualité adulte est rarement rectiligne. « Je crois que l’on devrait envisager la possibilité que quelque chose dans la nature même de la pulsion sexuelle ne soit pas favorable à la réalisation de la pleine satisfaction » explique Freud, en s’attardant sur les facteurs que l’on pourrait rendre responsables d’une telle difficulté : l’instauration en deux temps de la sexualité, l’intervention de la barrière contre l’inceste, le renoncement à certains plaisirs, anal et sadique en particulier, sous la pression de la civilisation. (1912, p. 64- 65)

Qu’est ce qui est si pressant et dérangeant dans la discussion sur l’homosexualité, notamment lorsqu’on pose le problème en termes de normal et pathologique ? Le questionnement de Freud vers la fin de sa vie apparaît comme une réponse à cette question. Comment se fait-il que « l’hétérosexualité d’un homme ne tolère aucune homosexualité et vice versa... Il n’y a pas de plus grand danger pour la fonction hétérosexuelle d’un homme que le trouble qui émane de son homosexualité latente. » et comment comprendre la tendance au conflit qui s’ajoute à la situation, indépendamment de la quantité de libido? (1937, p.259). Nous traiterons cette question dans le prochain chapitre. Mais pour l’heure, nous voudrions souligner que ce conflit rend complexe la question du normal et du pathologique de l’homosexualité. Ou plutôt, nous devrions interroger les anormalités et les normalités des homosexualités. En règle générale, Freud considère qu’il s’agit là d’un phénomène comme un autre et qu’il est possible que la psychanalyse permette éventuellement d’éclairer cette question. « La psychanalyse n’est pas appelée à résoudre le problème de l’homosexualité. Elle doit se contenter de dévoiler les mécanismes psychiques qui ont conduit à la détermination du choix d’objet, et à retracer les voies qui conduisent de ces mécanismes aux montages pulsionnels. » (1920, p. 270)

 

Le facteur quantitatif et l’agressivité libre ou la destructivité dans l’homosexualité

Dans les Cinq leçons de psychanalyse, Freud reprend la question de la bisexualité constitutionnelle à chaque être humain et remarque que « sans crainte d'être injuste on peut attribuer à chaque enfant une légère disposition à l'homosexualité. » (1910b, p. 52) Des années plus tard, en 1923 dans le Moi et le Ça, Freud poursuit la discussion à propos de l’évolution complexe qui débouche sur l’identification à l’un des parents tandis que l’autre, habituellement celui de l’autre sexe, est choisi comme objet : « Que la situation œdipienne ait pour issue une identification au père ou à la mère, cela semble donc dépendre dans les deux sexes de la force relative des dispositions sexuelles masculine et féminine. » (1923, p. 245)

Freud suggère qu’il existe un facteur quantitatif en sus des relations elles-mêmes, une quantité innée de masculinité et de féminité qui influence les relations et surtout les identifications issues du complexe d’Œdipe positif et négatif. A priori, cette dotation pré- conflictuelle façonne les mouvements pulsionnels, l’amour et la haine, les attachements comme les rivalités et aboutit à une orientation sexuelle adulte qui n’est que relativement stable. La quantité de dotation bisexuelle nourrit le conflit entre le complexe d’Œdipe positif et négatif. En 1923, Freud considère qu’elle « détermine » les identifications hétéro ou homosexuelles. En 1910, la même année que les Cinq leçons déjà citées et la même année que le Léonard, il ajoute aux Trois essais sur la théorie sexuelle une note qui prend en compte le point de vue dynamique et quantitatif : « ... ceux qui seront plus tard des invertis passent pendant les premières années de l’enfance par une phase de courte durée où la pulsion sexuelle se fixe d’une façon intense sur la femme. » (1905, p. 167) [4]

Nous avons décrit dans le chapitre « Narcissisme et choix d’objet, narcissisme et identification » comment le choix d’objet narcissique est une renonciation à cette intense passion. Freud ne cherche pas les raisons de ce mouvement. Il se contente de manière implicite, de reconnaître dans l’intensité passionnelle, un aspect quantitatif qui signifie que l’homosexualité, loin d’une intensité de courte durée, résulte d’un mélange d’excitation et d’impuissance trop intense pour être contenu. En se mettant à la place du parent (la mère), le sujet retrouve une certaine maîtrise de la position de dépendance. Il s’agit, comme signalé plus haut, d’une solution narcissique à une situation d’angoisse précoce.

Dans son article sur Quelques mécanismes névrotiques dans la jalousie, la paranoïa et l’homosexualité (1922), Freud ne s’intéresse pas directement au rôle joué par un amour ou un attachement trop intense à l’objet primaire mais plutôt à la fonction de l’agressivité née de cet attachement et de son influence sur le développement du choix d’objet homosexuel, là encore pour le garçon. Il décrit « dans la prime enfance des motions de jalousie particulièrement fortes, issues du complexe maternel » (1922, p. 279) qui surviennent chez le garçon, à l’égard de rivaux, d’autres garçons admirés par la mère, et peuvent aller jusqu’au désir intense de leur mort. « Sous l’influence de l’éducation, sans aucun doute également par suite de leur impuissance persistante, ces motions en vinrent à être refoulées et il se produisit une transformation de sentiments, si bien que les ci-devant rivaux devinrent les premiers objets d’amour homosexuels. » (1922, p.279-280)

L’objet d’une telle haine « particulièrement forte » devient objet de désir, voire objet de besoin, nécessaire à prouver l’échec de la destruction du rival, ou d’être à son tour détruit. La transformation de la haine en amour dans une situation triangulaire pourrait aussi bien être un phénomène œdipien. Nous voudrions surtout insister sur l’importance du facteur quantitatif dans la compréhension de Freud des processus menant au choix d’objet homosexuel. L’enfant ressent une « impuissance persistante », de la détresse face à une quantité d’affects de « grande intensité » qui déborde ses capacités psychiques de satisfaction ou de contenance, ce qui le conduit à transformer la haine en amour. Freud poursuit l’étude de ce mouvement de la haine vers l’amour dans Le Moi et le Ça (1923). Il considère l’opportunité de ce changement qui offre une occasion de décharge et une plus grande « perspective de satisfaction » (1923, p.257) si le mouvement se fait en direction de l’amour. Dans le processus décrit en 1922, il est indispensable que l’objet soit de même sexe pour parvenir à surmonter l’intensité de la rivalité avec l’objet de la mère. Il associe ce mouvement à l’angoisse de castration en lien avec le père et à la mise à distance de la rivalité avec un garçon.

Le retrait de la rivalité avec le père protège du danger de castration et soulage la vulnérabilité narcissique induite là encore par la « force toute particulière » « de la haute estimation de l’organe mâle » (1922, p.279). Dans ces deux versions de l’évolution homosexuelle, une rivalité trop intense et l’hostilité retournent la haine et l’angoisse en amour, ou alors, comme dans le cas de Léonard (1910a), l’évolution vers l’homosexualité est comprise comme résultant d’un amour trop intense pour la mère, amour devenu moins menaçant s’il s’adresse à un objet reflétant le soi. Le mouvement vers le choix d’objet homosexuel se comprend comme une solution au sentiment d’être psychiquement débordé par trop d’amour ou trop de haine.

Bien que Freud en ait toujours tenu compte, l’attention portée à la haine dans la vie émotionnelle et au sadisme dans la vie sexuelle a été plus importante après l’introduction en 1920 de la pulsion de mort, un concept qu’il retravaillé jusqu’à la fin de son œuvre : « Une autre difficulté résulte du fait qu’à la relation érotique se trouve fréquemment ajouté, outre les composantes sadiques qui lui sont propres, un montant de penchants directs à l’agression. (1930, p. 49) » Freud avait suggéré que ce penchant à l’agressivité était un reste de l’agressivité après que le Moi eut renoncé à ses objets. Il considère que le renoncement à l’attachement érotique débouche sur une identification et donne toujours lieu à un reste. Il décrit ce reste comme une agressivité libre, une quantité d’agressivité circulant dans la psyché, sans être soumise ni à la sublimation, ni à une identification, ni à la relation d’objet. A propos de la formation du Surmoi, Freud déclare que « Toute identification de ce genre a le caractère d’une désexualisation ou même d’une sublimation. Or il semble que dans une telle transposition, il se produise aussi une désunion pulsionnelle. La composante érotique n’a plus, après la sublimation, la force de lier la totalité de la destruction qui s’y adjoignait, et celle-ci devient libre, comme tendance à l’agression et à la destruction. » (1923, p. 270)

Dans ce commentaire sur le processus d’identification dans la formation du Surmoi, on voit Freud adopter une position quantitative avec ses conséquences sur le développement de la vie érotique. Le refoulement de la satisfaction liée à la formation des identifications sexuelles et à constitution du Surmoi, autrement dit le travail œdipien de base, laisse toujours une quantité d’agressivité libre. Il remarque à nouveau que la pulsion érotique est la plus efficace pour lier les quantités d’agressivité dans la psyché, ainsi qu’il l’avait montré dans son article de 1922 (« Quelques mécanismes névrotiques dans la jalousie, la paranoïa et l’homosexualité ») en expliquant le choix d’un objet homosexuel. Certains va-et-vient potentiels entre une identification et la tentative de lier le reste d’agressivité avec une érotisation accrue pourraient être déduits de cette conception.

Encore plus tard, Freud s’intéresse aux conséquences des quantités d’agressivité, de destructivité ou de pulsion de mort, dans le conflit intrapsychique entre homo et hétérosexualité. Dans L’analyse sans fin et l’analyse avec fin (1937), Freud considère à nouveau la question de la bisexualité mais cette fois à la lumière du conflit alimenté par la pulsion de mort, ou destructivité, et de son influence sur les échecs thérapeutiques de la psychanalyse :

« Il est connu qu’il y a eu à toutes les époques et qu’il y a encore des êtres qui peuvent prendre comme objets sexuels des personnes du même sexe comme de l’autre sexe, sans que l’une des orientations porte préjudice à l’autre. Nous nommons ces gens des bisexuels, nous prenons acte de leur existence sans beaucoup nous en étonner. Mais nous avons appris que tous les êtres sont en ce sens bisexuels, et répartissent leur libido, d’une manière soit manifeste soit latente, sur des objets des deux sexes. A ce sujet toutefois, nous remarquons la chose suivante. Alors que dans le premier cas les deux orientations s’accordent sans heurt, elles se trouvent dans l’autre cas, qui est le plus fréquent, dans un état de conflit excluant toute conciliation. L’hétérosexualité d’un homme ne tolère aucune homosexualité, et vice versa. [...] Il n’y a pas de plus grand danger pour la fonction hétérosexuelle d’un homme que sa perturbation par l’homosexualité latente. On pourrait tenter l’explication que seul un contingent déterminé de libido est justement disponible, que doivent se disputer les deux orientations rivalisant l’une avec l’autre. Mais on ne voit pas pourquoi les rivaux ne partagent pas régulièrement entre eux, chaque fois en fonction de leur force relative, le contingent disponible de la libido, alors que pourtant ils peuvent le faire dans bien des cas. On a bel et bien l’impression que la tendance au conflit est quelque chose de particulier, une nouveauté qui s’ajoute à la situation, indépendamment de la quantité de libido. Une telle tendance au conflit apparaissant de façon indépendante ne peut guère être ramenée à autre chose qu’à l’intervention d’une part d’agression libre. » (1937, pp. 259-260)

Ici, Freud souligne la présence de l’agressivité dans chaque développement, chaque compromis, conflit ou intégration des dispositions bisexuelles. Présente dès le début, la bisexualité sera influencée par l’agressivité. Cette agressivité aura des conséquences à la fois sur la nature de la sexualité individuelle et sur les résistances au traitement psychanalytique. Et elle s’exprimera aussi dans toutes les discussions à propos de l’homosexualité. Comme Freud l’indique d’emblée dans sa réflexion sur le développement de la sexualité, le poids des exigences de la civilisation pèse lourdement en faveur du développement de la vie et donc sur l’hétérosexualité. Ses dernières positions prennent en compte les effets de la pulsion de mort sur ce développement. Ailleurs, il montre que les requêtes du développement lui-même, avec ses renonciations et ses identifications œdipiennes, libèrent plus ou moins d’agressivité libre qui, à son tour, influence le développement sexuel. Freud reconnaît en 1905 la difficulté de combiner l’agressivité innée et l’agressivité issue des nécessaires renonciations culturelles inhérentes à la vie en société et à affronter le conflit œdipien. Il poursuit cette tentative tout au long de son œuvre. Il n’a jamais prétendu avoir fait le tour de la question, comme il le reconnaît avec mélancolie dans Le malaise dans la culture déjà cité :

« La vie sexuelle de l’homme de la culture est pourtant gravement lésée, elle donne parfois l’impression d’une fonction en état de rétrogradation, comme semblent l’être, pour les organes, notre denture et notre chevelure... On croit parfois reconnaître que ce n’est pas seulement la pression de la culture, mais quelque chose tenant à l’essence de la fonction elle-même qui nous refuse la pleine satisfaction et nous pousse sur d’autres voies. Ceci pourrait être une erreur, il est difficile de trancher. » (1930, p. 48)
 

 

En conclusion

Freud n’apporte pas une réponse binaire à la question de la normalité ou de la pathologie de l’homosexualité. Tout au long de sa vie, il a été clair pour lui que nous sommes tous, quoique différemment, nés avec une dotation bisexuelle ; que dès notre petite enfance nous avons tous été homosexuels et que cette homosexualité poursuit son existence dans l’inconscient des adultes. Il est tout aussi clair pour lui que le chemin vers l’hétérosexualité adulte est compliqué et parsemé d’obstacles. Cette complexité est accentuée, parfois brutalement, par les contraintes de la civilisation et l’exigence à se reproduire, nécessaire à la survie de la société. Il considère que l’homosexualité serait beaucoup plus répandue sans cette pression sociale. Si l’homosexualité est une manière de se mettre à distance ou de se rebeller contre cette pression sociale, Freud la voit toujours comme un développement plus proche du narcissisme et des autoérotismes que du choix d’objet hétérosexuel. Tout en étudiant les différents chemins qui mènent au choix d’objet homosexuel, il démontre très tôt leur pluralité et assure qu’il existe différentes formes d’amour objectal homosexuel (Freud, 1905). En ce sens, il est le premier psychanalyste à affirmer qu’il existe des homosexualités.

Le rôle de l’agressivité transparait à travers son étude des homosexualités et des hétérosexualités et prend de l’importance dans ses écrits ultérieurs. Freud a d’abord émis l’idée que la menace d’une trop forte revendication d’amour conduit au choix d’objet homosexuel (1910a) et remarque par la suite que le débordement par une haine trop intense mène également à un choix d’objet homosexuel, destiné à transformer la haine en libido, solution narcissique à l’intensité insupportable de la rivalité (Freud, 1922). Dans Le Moi et le Ça (1923), il considère que les multiples identifications sont issues d’un complexe d’Œdipe tel qu’il est vécu mais qui est aussi façonné, voire déterminé, par la dotation bisexuelle. Il souligne que chaque renonciation et chaque étape développementale vers l’individuation sexuelle laisse un reste d’agressivité non liée. Dans ses dernières observations du conflit interne parfois violent entre les aspects hétéro- et homosexuels chez la même personne, il propose que « l’agressivité libre » modèle ce conflit nourri par la destructivité assimilée à la pulsion de mort (Freud, 1937).

Cette pulsion destructrice ne se contente pas de façonner la nature de la sexualité de tout individu. Elle s’immisce aussi dans toutes les discussions à propos de l’homosexualité. Cela peut nous permettre de comprendre la véhémence de certaines discussions dans le milieu psychanalytique aussi bien qu’ailleurs, lorsque l’homophobie débouche sur des attitudes ouvertement ou implicitement meurtrières. Freud nous met sans cesse au défi de garder une attitude humble en même temps qu’une curiosité scientifique pour explorer ce sujet complexe, en restant attentifs aux pressions environnementales qui empiètent constamment sur la recherche et se mêlent à ses résultats.

 

Notes

1. Les auteurs constituent le groupe « ad hoc sur l’homosexualité » de la FEP mandaté en 2013 par l’Exécutif de la Fédération Européenne de Psychanalyse et dirigé par François Ladame. Leur première tâche était d’étudier ce que Freud avait et n’avait pas dit à propos de l’homosexualité et a donné lieu à cet article. E-mail : François.Ladame@unige.ch
2. Article paru sous le titre : « On the subject of homosexuality : What Freud said » Int. J. Psychoanal. (2016) 97 : 933-950, traduit par Anne Rosenberg, Jean-Michel Quinodoz, Céline Gür Gressot et Maria Hovagemyan.
3. Note du traducteur.   
4. Ndt : citation issue de la traduction de M. Géraud. 

 

Bibliographie

Compte tenu de l’importance accordée par les auteurs à suivre chronologiquement l’évolution de la pensée de Freud, nous avons laissé la date d’écriture dans le corps du texte. Le lecteur trouvera dans la bibliographie la date de parution de l’ouvrage de référence en français.

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