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Une interprétation qui construit le sujet

L'aventure du processus psychanalytique

Anna FERRUTA


(Cet article de A. Ferruta, de la Società Psicoanalitica Italiana, a été publié en 2002 dans l'ouvrage collectif "Inventer en psychanalyse", dirigé par J.-J. Baranès et F. Sacco, Dunod, Paris).


1. Le processus psychanalytique

Le développement de la théorie et de la technique psychanalytique est interrogé par la nécessité d'affronter les problèmes posés par les patients borderline qui sont de plus en plus nombreux à demander une cure. Ceux-ci expriment leur souffrance moins par l'expression dans le symptôme que par l'organisation de la personnalité globale, basée sur des mécanismes de clivage, déni, tendance à l'action-décharge ou à la somatisation. La cure de ces patients fait 'travailler' la manière d'entendre construction et interprétation dans l'analyse.
Dans ces cas, l'analyse se présente de plus en plus clairement comme un processus psychanalytique, c'est-à-dire comme une rencontre entre deux personnes qui se risquent dans un parcours dans des territoires mentaux non-connus et non-expérimentés, tout au long duquel l'analyste offre sa contribution à la construction du sujet, afin que ce dernier soit en mesure de se réaliser. Les désirs sont souvent restés congelés ou cantonnés dans des aires de la personnalité qui les rendent inaccessibles et inutilisables. La cure est un travail de transformation psychique dans lequel, grâce à la contribution de l'autre, le fonctionnement mental se libère de schémas répétitifs particulièrement contraignants par rapport à des situations émotives fortes et développe de nouvelles façons d'élaborer des expériences vécues, qui ne sont pas parvenues à faire partie de la personnalité (Winnicott 1963 a, Bollas 1987), ou bien il aborde de nouvelles expériences, qui ont été évitées depuis toujours, faute d'instruments psychiques aptes à les rencontrer (Bollas 1995, Green 1990, Modell 1990).

Le processus de transformation d'aires clivées ou évitées phobiquement ou encore difficiles à atteindre utilise l'instrument interprétatif suivant des modalités différentes, qui aident à mieux le définir. L'intervention utile de l'analyste, c'est d'arriver à faire évoluer le processus psychanalytique, à éclairer des modalités stéréotypées, à raconter des expériences jamais connues jusque là, à exprimer des désirs non-émergents, à fournir des instruments pour procéder vers des expériences émotives jusque là considérées inapprochables. Il s'agit d'interventions de transformation (Bion 1965), ayant pour but un fonctionnement mental dynamique, structuré et structurant et même agréable. Le plaisir d'avoir un appareil mental dynamique et capable de s'organiser est le plaisir de se sentir créateur de son monde interne et sincèrement curieux et attiré par la rencontre avec l'autre, vécue comme non-anéantissante. Cette modalité d'intervention de l'analyste, c'est de l'interprétation ou de la construction?

Le terme construction renvoie à une transformation symbolique d'éléments d'expérience et d'émotions non-élaborés, qui acquièrent un sens et des significations entièrement nouveaux tout au long du parcours du travail psychanalytique, sans avoir la prétention ni le souci d'une correspondance ponctuelle avec des événements spécifiques de l'histoire du sujet. Le terme interprétation indique la découverte de la valeur des expériences émotives importantes, qui sont longtemps restées muettes ou inertes et qui, dans le discours de l'analyste, acquièrent cette valeur qui les rend tolérables et introjectables. En pensant à la construction, on met en évidence l'activité créative du couple analytique et l'exploration du nouveau; en pensant à l'interprétation, on met en relief l'importance de ce qui a déjà eu lieu dans l'histoire du sujet et la valeur de la parole comme intermédiaire principal des élaborations introjectables, dans un processus qui évolue comme parcours de transformation active du sujet. Les deux aspects sont importants, surtout s'ils ne sont pas clivés et s'ils sont présents en une continuité naturelle (de ce point de vue, l'approfondissement très élaboré qu'en fait Duparc (1999) en décrivant les caractéristiques et la façon d'opérer est exemplaire). Cependant, cela vaut la peine de chercher à mieux les définir.

Avant d'entrer dans le détail de configurations tirées de la clinique, il faut souligner le fait que le processus psychanalytique n'imite pas le processus développemental, en répétant pas à pas les étapes de celui-ci. Dans la cure de ces patients, en particulier, il existe chez le même sujet et au cours de la même séance, des aspects du fonctionnement psychique complexes et capables de transformations symboliques adéquates et des aspects indiquant un état de l'esprit primitif, dominé par des mécanismes bruts et non communicables. Winnicott (1967) nous a plusieurs fois mis en garde en disant que précoce ne veut pas dire profond: il s'agit de cas où des aspects précoces du fonctionnement psychique n'ont pas connu de processus d'élaboration symbolique et ont coexisté avec d'autres aspects bien organisés et capables d'évoluer, produisant ainsi des structures de personnalité déformées et difficiles à comprendre. Ces organisations de personnalité ont cependant garanti une capacité de vie suffisante et toute tentative de transformation se retrouve face à des pelotons bien alignés d'angoisses d'anéantissement et d'effondrement. Par conséquent, des interventions interprétatives visant à atteindre les aspects précoces qui n'ont pas été élaborés ne saisissent souvent pas certains aspects profonds de la personnalité qui se sont organisés indépendamment de ceux-là et qui ont construit des histoires représentant à tous égards l'identité du sujet. Je suis de l'avis que la remarque de Winnicott (1967) à propos du fait que précoce ne veut pas dire profond est un élément important qu'il faudrait développer, pour comprendre quel type de constructions/interprétations utiliser : je pense à un type de constructions/interprétations qui mobilise le fonctionnement de l'appareil psychique du sujet d'une façon qui en favorise les capacités d'auto-organisation dynamique et donc de mobilité entre différentes couches de personnalité et entre le plaisir de posséder une autonomie mentale et le désir de rencontrer tout ce qui représente l'autre que soi. De ce point de vue, parler de constructions cela veut dire penser à des interventions ayant une valeur structurante pour le patient, lui permettant de construire une maison/histoire mentale à lui, où vivre comme sujet; parler d'interprétations cela veut dire permettre de penser à tout ce qui, de la contribution de l'autre, peut devenir partie de soi, 'comme si' ça lui appartenait. Les constructions les plus utiles parviennent à se terminer en une métaphore qui représente le nouveau qui s'est construit dans l'analyse, mais aussi le vieux qui ne s'est pas complètement perdu, mais qui a trouvé une façon de se conserver. La métaphore (Modell 1993), qui accouple le vieux et le nouveau et qui rend possible le paradoxe d'associer deux expériences et deux mots qui ne se connaissent pas, en favorisant un processus d'assimilation et de transformation, représente une construction/interprétation efficace. Du point de vue clinique, j'évoquerai des situations, où les images de rêve utilisées par les patients ont souvent été justement celles qui se rapportent à des bâtiments, à des immeubles en maçonnerie et qui ont une certaine résistance à devenir des métaphores, c'est-à-dire des paroles intériorisables et significatives.

Je pense à un patient, F., avec qui nous cherchons à construire une histoire bien à lui et une structure de personnalité solide et dynamique : d'habitude, lui, il préfère se servir des constructions toutes prêtes et consistantes dans la personnalité d'autrui (il utilise des rencontres homosexuelles comme adhésions imitatives de l'autre). Mais cette façon de se glisser dans l'autre, en devenant l'autre, lui permet de conserver secrètement le noyau clivé authentique de son identité, connotée de sentiments de saleté et d'insuffisance. Ce sentiment de non-valeur a été puisé dans son milieu, dès sa naissance, qui a été, pour les parents, un investissement qui n'a jamais pu être comparable à la valeur or d'un autre enfant, né avant lui et décédé. Ce patient parle souvent des rues du centre de Milan qui portent le nom de réalités complètement disparues et qui n'ont laissé aucune trace, même pas archéologique, historique ou encore iconographique, mais qui survivent uniquement grâce à la dénomination toponymique : ainsi pour la 'rue Spadari (rue des fabricants d'épées)'. Je lui dis que ce nom, sans une réalité qui le soutienne, représente cette partie de lui que nous n'arriverons jamais à découvrir ou à atteindre à travers une interprétation du développement infantile, mais qu'il continue toutefois à vivre à travers un mot ou une métaphore qui en signale l'absence. Voilà la construction/interprétation de la rue Spadari, celle qui signale qu'il y a eu quelque chose (les boutiques des artisans qui fabriquaient des épées), mais qu'il a disparu ; des aspects du soi qui pouvaient être ne se sont pas développés, mais il en reste une trace qui prend vie et forme dans la métaphore des 'Spadari', qui évoque quelque chose de vital, de phallique, d'agressif et de laborieux, du bon matériel pour le travail d'artisans adroits.

Dans l'analyse, la construction/interprétation est une sorte de rue Spadari, une construction qui raconte ce que l'on peut construire et utiliser maintenant en se promenant dans la rue Spadari, c'est-à-dire dans des aires de la personnalité qui fonctionnent mais qui ont un lien perdu avec le passé, qui réparent le dégât non pas à travers une nouvelle construction compensatoire, mais en créant un monde interne vivable parce qu'il garde des traces d'une histoire personnelle. Avec F., nous ne voulons pas effacer le négatif (la destruction des boutiques des Spadari), qu'il ressent comme un élément constitutif du soi, mais nous nous en servons pour donner une qualité personnelle à la construction actuelle de personnalité, ayant lieu dans le même espace psychique que l'autre qu'il n'a jamais pu connaître et qui n'existait qu'à l'état potentiel : les épées ne servent plus aujourd'hui. Ce patient, qui étudie la restauration, affirme que le terme restauration ne veut pas dire remettre un objet en son état d'origine, parce que c'est un faux ; mais qu'il ne faut pas non plus s'abstenir d'intervenir, en le laissant dans un état désagrégé, au nom du culte de l'authenticité des origines qui en fera un objet dont on ne pourra jamais jouir. Il dit : 'Restaurer, cela veut dire mettre un objet en un état où il n'a jamais été'.
Voyons maintenat les caractéristqiues de quelques métaphores, dans le sens de constructions/interprétations, qui se sont révélées utiles au développement du processus psychanalytique et à la construction du sujet désirant et structurant.

2. Les cas de patients hypermatures

L'approfondissement du thème construction/interprétation a été sollicité par l'analyse de quelques patients manifestant des états de 'mort psychique', une condition mentale dans laquelle le fonctionnement quotidien d'étude et de travail est garanti, les relations nécessaires sont maintenues, bien que péniblement, mais où la vie quotidienne constitue un poids insupportable et dépourvu de sens. L'issue suicidaire semble être la seule possible, comme reddition face à une trop grande difficulté. Il s'agit souvent de sujets 'hypermatures': leur façon d'aller à la rencontre du monde a précocement adopté les schémas cognitifs et affectifs proposés, avec force et souvent avec unicité, par le milieu, celui de la figure parentale avec laquelle ils ont eu un contact émotif plus étroit. Cette organisation précoce de la personnalité, structurée sur la base des formules auxquelles l'autre a déjà donné forme, a nécessairement écarté et mis de côté des aspects du monde psychique du sujet plus personnels ou encore à l'état brut et qui ne sont pas aptes, en ce moment là, à rentrer dans les schémas rapidement adoptés. Et comme ça, le magnifique fonctionnement psychique de ces sujets a souvent trouvé sa nourriture dans leur intelligence vive et dans le narcissisme des parents pour qui ils ont été des élèves modèle, mais il est dépourvu d'aires internes essentielles et de la capacité 'd'inventer' les formes à travers lesquelles organiser le monde interne et de relation.

Les interventions de l'analyste semblent destinées à répéter la même histoire mortifère : si elles sont trop bien organisées, comme des constructions bien faites du développement infantile sur la base du transfert actuel, elles trouvent chez ces patients des élèves modèle qui les attrapent au vol, s'en emparent et finissent par se retrouver encore une fois dans des constructions qui sont solides mais étrangères (la maison de l'autre) et qui finissent par devenir des prisons, où la vie psychique est enfermée, languit et meurt.

G., un homme à succès de 40 ans, décrit souvent sa vie intérieure comme la vie à la Lubjanka, l'énorme bâtiment de l'ancienne Union Soviétique, siège du KGB, où les opposants au régime étaient interrogés et souvent éliminés). Les interventions de l'analyste courent le risque de devenir des constructions-prison, des architectures du régime psychanalytique, qui ne sont pas nécessairement préférables aux constructions des parents, où ces patients ont de toute façon survécu jusqu'à ce moment.

Au contraire, si les interventions de l'analyste se limitent à jouer un rôle de support discret aux constructions déjà présentes dans les patients et à ne signaler que l'existence d'aspects 'autres', qu'il faut respecter et ne pas violer, les processus transformateurs ne sont pas activés et l'analyste finit à nouveau par proposer ce qui a déjà eu lieu dans la vie du patient : des aspects vivants et bruts de son monde psychique gisent silencieux et inutilisés, dans des conditions où il n'ont ni forme ni nom, car ils sont depuis toujours soustraits au contact mobilisant et évolutif avec l'autre. Bollas (1995) parle souvent d'images ou de rêves de prisonniers, quand on aborde des cas de ce genre. Green (1993) parle de la thématique de la 'mère morte', qui signale que quelque chose n'a pas eu lieu. Dans ce cas, l'instrument de l'interprétation de thématiques infantiles refoulées et revécues dans le transfert, n'est pas indiqué : nous devons répéter encore une fois que précoce, ça ne veut pas dire profond. Nous nous trouvons face à la difficulté de donner une voix et une forme à des aspects de la vie psychique, que les formes de notre pensée et de notre langage déjà organisé risquent d'annuler, au moment où ils les saisissent : notre pensée et notre langage sont trop organisés, tandis que les sensations et les émotions, qu'il faudrait parvenir à interpréter sans les faire succomber, sont trop faibles. Cependant, si nous n'intervenons pas, nous finissons par laisser languir et s'éteindre justement l'aspect personnel et désirant du sujet qui était venu demander l'analyse pour trouver des formes de survie. Le patient G. me raconte aussi qu'il a offert un livre à un ami qui doit se soumettre à une intervention chirurgicale risquée, où il est question d'une aventure : au cours des premières années du XXe siècle, un groupe d'explorateurs-savants organise une expédition au Pôle Sud, mais le bateau subit des dommages, est pris dans les glaces et doit être abandonné. Les explorateurs marchent sur la banquise qui est en train de fondre avec l'arrivée du printemps et ils espèrent arriver à temps sur la terre ferme. L'un d'eux trouve la force de photographier leur aventure et c'est avec ces photos que le livre a été rédigé. Ils parviennent à sauver leur vie, même si, peu de temps après, ils sont nombreux à participer à la première Guerre Mondiale, où ils vont trouver cette mort à laquelle ils avaient échappé pendant leur aventure au Pôle Sud. Le travail d'interprétation de l'analyste a pour but de faire fondre la glace qui bloque la mobilité de la vie psychique du sujet ; d'autre part, ce souffle tiède, qui fait fondre les constructions de glace, doit en même temps assurer que d'autres constructions mentales se construisent graduellement et qu'elles sont capables de soutenir la vie psychique récupérée, en lui offrant une base solide sur laquelle se poser, une terre ferme sur laquelle elle pourra se mouvoir librement. Nous ne savons pas si sur cette terre d'une structure psychique qui s'auto-organise, il sera ensuite question d'expériences agréables ou de guerres; certes les deux sont possibles, mais elles se produisent au-delà du processus analytique et sur la base de celui-ci.

Un problème se pose donc avec ces patients : comment 'inventer' l'intervention psychanalytique? Car c'est de celle-ci qu'ils ont besoin et non pas des caresses qu'ils n'ont jamais reçues ou de conseils à propos de ce qu'il faut faire : ils ont besoin d'une aide pour développer et pour exprimer leur propre fonctionnement psychique qui s'auto-organise, qui donne une forme personnelle à leurs caractéristiques (l'idiome, comme dirait Bollas 1992) et qui soit l'instrument pour rencontrer l'autre que soi sans s'effondrer dans l'autre ou en eux-mêmes.

Dans ces cas, la construction/interprétation se présente souvent comme une façon de donner une forme et un sens à une expérience du patient qui se fraye dans l'analyse un chemin vers une création nouvelle. La valeur transformatrice de l'intervention repose sur le fait que l'on prête attention, on confère le droit d'exister, on donne voix et forme à des expériences du sujet, indépendamment du critère de l'utilité, de l'explication, de la valeur cognitive ou sociale. C'est une interprétation qui construit le sujet. Elle demande à l'analyste un bas degré de narcissisme et, au sujet, elle demande la même chose, c'est-à-dire une capacité de renoncer aux performances de type hypermatures pour accéder à la lutte pour la survie d'un monde psychique personnel. Nous suivons l'aventure au Pôle Sud, c'est-à-dire un parcours analytique qui n'a pas son point de rupture dans une interprétation-révélation, mais qui demande à tous les deux d'apprécier la valeur de l'activité représentative en cours, le courage du photographe qui dépense son énergie pour représenter ce qu'ils sont en train de vivre : cela maintient en vie plus que l'économie de fatigue que cela demande.
Ces interventions de l'analyste ont donc besoin d'une organisation mentale qui soit en contact avec la qualité de l'instrument psychanalytique comme équipement essentiel pour la survie psychique : un cadre interne qui représente mentalement la terre ferme qu'il faut atteindre, dans le sens d'une possibilité de jouir du plaisir de créer des modalités de relation avec soi et avec l'autre, de jouer dans le transfert et dans les relations de travail, d'étude, d'amour, de vie.
Quelques exemples cliniques sont utiles pour décrire ce travail analytique 'divin', qui consiste à donner des formes et du sens à ce qui flotte sur les eaux du sujet et qui le construit comme personne dotée d'une vie psychique représentative plus mobile, structurée et riche.

Un jour, le patient G. se présente à la séance accablé, comme d'habitude, par la fatigue de vivre, prêt à accueillir mes interventions dans sa Lubjanka personnelle, d'où nous n'arrivons pas à sortir pour flotter dans un espace-temps psychique ouvert à de nouvelles constructions. Mais à peine entré, il ne peut se retenir et dit : 'Du mimosa en décembre ?', faisant allusion aux fleurs dans mon vase. Il cherche à parler d'autre chose, puis, pendant cette séance et la suivante, il ne peut se passer de laisser remonter à la surface l'émotion non organisée que le parfum du mimosa en décembre, tout à fait inattendu, a suscitée en lui. Cette odeur a pris au dépourvu sa Lubjanka mentale : nous savons que parmi les sensations, l'odeur est la moins pourvue de forme et de significations organisées ; elle pénètre dans les prisons où, même la lumière du soleil ne parvient pas. G. dit qu'il avait oublié le parfum du mimosa, qu'il a été pris au dépourvu, comme s'il venait de très loin, quand il vivait ailleurs, pas en ville... Je lui dis que, dans l'analyse, on sent le parfum d'une expérience qui n'a pas été détruite par un excès d'organisation et qui survit malgré ses constructions plus structurées et les miennes. Je pense que, dans cette séquence, nous assistons au fait qu'il est là, lui, sentant, qui prend du plaisir dans une rencontre avec une altérité qui se fait ressentir sans toutefois imposer son code : il existe, lui, et l'autre aussi existe. Dans ce type d'intervention, il n'est pas important d'établir si, pendant son enfance, il y a eu 'un coin au mimosa' ou si, dans le cabinet d'analyse, il y a déjà eu plusieurs fois du mimosa : il est évident que les deux choses ont eu lieu. Ce qui importe, c'est que le patient ait été atteint par un événement émotif qu'il a ressenti, qu'il a communiqué et qui a été représenté verbalement par l'analyste ; cette émotion peut devenir une rencontre entre deux sujets et appartenir au patient qui s'en empare. C'est ce que Winnicott dit à propos de l'interprétation comme événement psychologique réel et non pas comme répétition du passé ou récit qui se superpose à l'expérience.

Un autre patient, J., un jeune étudiant qui a des caractéristiques analogues, de sujet hypermature et presque mort, se barricade dans sa chambre contre les intrusions des organisations mentales des parents ; dans le climat torride de la ville en été, il n'en peut plus de s'enfermer et, la nuit, il se met au balcon : là, il perçoit un son lointain qu'il a du mal a reconnaître ; c'est la musique de son chanteur-auteur-compositeur favori, qui se produit dans un concert. Il raconte cet épisode pendant une séance : là aussi, des sensations peu structurées, les sonores, le prennent au dépourvu, au-delà de ses fermetures blindées et elles ne lui semblent pas des invasions, mais des messages humains, des rencontres affectives. Je lui dis qu'il a pu percevoir un son qui éveille en lui le désir déchirant de l'autre, avec qui partager affects et plaisir, être deux dans le même lieu, sans devoir se barricader dans le vide et dans le silence de la solitude pour que les sons de ses émotions puissent survivre contre le bombardement des bruits de l'autre, trop forts, trop organisés et envahissants. Il s'est passé quelque chose dans l'analyse : un son provenant de l'autre est arrivé jusqu'à lui sous la forme d'une organisation qui peut être accueillie et transformée en une autre forme, à travers des mots qui ont fait lien entre lui et moi, entre sujet et objet.
Une patiente, D., une jeune étudiante avec des caractéristiques semblables, a tendance à sauter des séances ou à s'endormir profondément, se rendant ainsi injoignable, plus que si elle se blindait dans sa chambre ou se faisait hospitaliser dans une clinique (ce qu'elle a fait tout de suite après le début de l'analyse). Dans ce cas, l'interprétation du fait qu'elle protège comme ça des parties précieuses d'elle de la contamination artificielle de l'autre n'a pas beaucoup d'efficacité et elle glisse sur la surface de la psyché sans causer des dégâts, mais sans faire évoluer le processus psychanalytique. Elle raconte qu'elle se trouve en difficulté, parce qu'elle est revenue s'installer en ville, après s'être enfuie à la campagne pour suivre sa passion pour les chevaux. Maintenant, elle en a un, mais elle ne sait pas où le mettre : elle ne veut pas renoncer à la ville, où elle a recommencé à suivre ses cours à la fac et veut passer sa maîtrise, car il ne lui manque plus que quelques examens, mais elle ne veut pas non plus renoncer au cheval qui 'lui a sauvé la vie' dans des moments de grande tristesse et de dépression. Je lui dis que je comprends que la place de son cheval, c'est le cabinet d'analyse : c'est vraiment la bonne, même si, à première vue, on ne dirait pas que c'est la construction la plus adéquate. C'est le cabinet d'analyse, parce que c'est ici qu'elle peut apporter quelque chose d'essentiel à sa survie psychique et si ce quelque chose doit garantir la survie, il ne peut être que gros, encombrant, ayant des dimensions qui lui permettent de ne pas être écrasé par les discours, les concepts et les milieux mentaux trop artificiels. Dans le contre-transfert, je m'étais effrayée sur le moment, face au problème posé par la patiente et j'avais pensé ne pas savoir où accueillir cette demande dans mon appareil mental et dans mes connaissances psychanalytiques. Mais c'est justement le sentiment contre-transférentiel de 'ne pas savoir où mettre le cheval' qui m'a permis d'offrir une interprétation donnant forme et sens à quelque chose de gros qui ne pouvait pas être réabsorbé et englouti par des interprétations 'grosses' et anéantissantes. Il s'agit d'une interprétation qui s'inspire de celles de Winnicott (1966) du genre 'interpréter le milieu en termes de transfert' et qu'il adopte notamment dans le célèbre cas 'Je vois une jeune fille'

3. L'espace transitionnel comme lieu des interprétations

Un aspect important de l'efficacité thérapeutique du travail psychanalytique consiste à rendre possible le travail de transformation des expériences: quelques-unes ont été élaborées suivant des modalités présentant des caractères forts et répétitifs (il s'agit souvent d'expériences ressenties comme traumatiques et qui finissent par conséquent par faire prévaloir le pattern avec lequel elles ont été métabolisées sur tous les autres patterns possibles, comme remarque Modell 1993) ; d'autres n'ont pas trouvé d'instruments mentaux pour des transformations utiles à leur assimilation par le psychisme (les éléments bêta de Bion 1970, le connu non pensé de Bollas 1987, l'expérience catastrophique de Winnicott 1963b). Une construction/interprétation exprime sa valeur thérapeutique dans la capacité qu'elle a d'opérer des transformations symboliques d'expériences passées et nouvelles, de façon à permettre au sujet de se mouvoir plus librement dans son monde interne et d'avancer avec plus d'aisance vers l'autre qu'il désire. Cette capacité de mouvement psychique évolue dans un espace que Winnicott (1971) a identifié en l'appelant espace transitionnel ou aire de l'espace potentiel. Or les constructions/interprétations sont des opérations qui s'effectuent dans cet espace où l'on opère avec des expériences psychiques réelles, de même quel'objet transitionnel aussi existe réellement, et qui sont transformées en histoires, symboles, mots et images que le sujet peut saisir et intérioriser. Le travail analytique commun consiste en une transition continue entre espaces organisés et espaces marginalisés, entre altérité et subjectivité, entre créativité individuelle et socialité partagée.

Les modalités uniques et rigides de fonctionnement psychique qui ont dominé l'esprit, genre Lubjanka, révèlent leur caractère pathologique dans la prétention d'occuper d'une façon unique et totalitaire la scène de l'esprit et par conséquent d'en mortifier le fonctionnement, plutôt que dans les aspects refoulés qu'elles cachent. Avoir une vie mentale, cela veut dire avoir la capacité d'élaborer et d'intérioriser des expériences toujours renouvelées, en les créant au lieu d'en être écrasés ou falsifiés. Je pense donc aux interprétations comme à des constructions qui saisissent des éléments de l'histoire du patient et les transforment en patterns pouvant être intériorisées. Des interprétations de ce genre-là peuvent être ressenties par le sujet comme un renforcement de l'activité mentale et de la créativité, qui, à ce moment précis de l'analyse, a trouvé ces formes pour raconter un parcours psychique, des formes qui pourront ultérieurement être modifiées, car elles se sont déterminées dans une aire affectée à cette activité d'élaboration dynamique continue. Voilà ce qui me paraît important dans une construction/interprétation : le contact avec des événements psychiques du sujet, exprimés dans du matériel qu'il puisse reconnaître, le travail de transformation que le sujet partage avec l'analyste, la valeur mentale de l'activation de nouvelles capacités transformatrices à intérioriser. Dans la construction/interprétation, ce qui compte, c'est surtout le processus qui la produit, dans l'espace-temps de l'espace transitionnel qui met à sa disposition une aire qui est habitée par le sujet et par l'objet, où le jugement d'existence est suspendu en faveur de la valeur constructive et créative du soi en contact avec l'autre que celle-ci représente. C'est le plaisir du jeu comme play, qui suit des règles établies par le cadre qui le rend possible, mais qui n'est pas game, c'est-à-dire obéissance à des paramètres préétablis demandant à suivre le principe de réalité, adhérer par exemple à la reconstruction historique des événements de la vie infantile. Mais nous ne pouvons pas non plus ne pas tenir compte de l'histoire du sujet, si nous voulons que le travail d'interprétation soit authentique et agréable comme mobilisation de forces psychiques vitales. C'est le travail du jeu et de l'art, celui qui nous fait pleurer et rire d'événements que nous savons pourtant être illusoires, mais qui sont quand même vrais (Dans le célèbre monologue final de The Tempest, de Shakespeare, le metteur en scène, Giorgio Strehler, faisait descendre Prospero dans la salle et celui-ci demandait aux spectateurs pourquoi les événements représentés dans la fiction de l'île et par conséquent du théâtre les touchaient, alors que les événements dramatiques de la vie de tous les jours les laissaient indifférents).
Un exemple clinique, tiré de l'analyse du patient G., peut éclairer le lieu mental transitionnel où se produisent les constructions/interprétations : G. rêve qu'il se trouve dans une grange à foin où il fait l'amour avec une jeune fille. Il dit que la grange a une structure classique, avec les parois ouvertes pour faire entrer l'air et un toit pour mettre le foin à l'abri de la pluie. Il ne se souvient d'aucune grange dans son passé ni d'un événement récent auquel relier le tout. Je lui dis que, dans son rêve, il a construit la structure dont il éprouve le besoin et qu'il trouve peut-être dans l'analyse une protection essentielle qui le met à l'abri sans qu'il s'agisse d'un emprisonnement dans la Lubjanka et sans qu'elle soit infantilisante : pour jouir de cette protection mentale, un refuge dans les moments difficiles de la vie, on ne lui demande pas de renoncer à son identité adulte d'un homme ayant une vie sexuelle fonctionnelle (sa mentalité hyperorganisée s'était formée comme réponse au besoin de soutien de la part de la mère : donner de l'importance à son besoin de protection, cela voulait dire pour lui plonger dans un état infantile dépourvu et impuissant). Quelques mois plus tard, il raconte qu'il a rencontré un ami, qu'il n'avait plus vu depuis des années, père d'enfant de même âge : celui-ci l'invite à une fête qu'il va organiser dans la maison de campagne où il vit, et que lui-même, quand il était jeune, avait aidé à transformer de ferme abandonnée en maison habitable. Il évoque ce temps-là, quand il était plus libre ; il regrette de ne pas avoir fait le même choix et de s'être au contraire condamné à une vie forcée de manager métropolitain et efficace ; il regrette le temps où il pouvait vivre avec peu et où il dormait dans la grange. Je l'arrête et lui demande : 'Vous avez dit ?' ; il comprend et se met à pleurer.
Ce fut une grande émotion : la grange construction/interprétation est la grange rêvée, la grange interprétée, la grange rappelée, la grange habitée, la grange introjectée comme modalité de fonctionnement psychique, qui ne doit pas échanger liberté mentale, air qu'on peut respirer et sentiment viril et adulte de soi, contre une aide provenant de l'autre. La grange est la métaphore unissant le passé et le présent, c'est la possibilité de transformer des expériences de liberté et des angoisses de solitude, c'est la représentation d'une modalité de fonctionnement mental qu'il n'a jamais possédé ni perdu, c'est une construction/interprétation qui a pris forme dans l'espace transitionnel du processus psychanalytique. Ce qui est important, c'est aussi bien son nouveau caractère (la métaphore a été trouvée dans l'analyse), que son caractère spécifique, appartenant à l'histoire du sujet, ou sa nature de façon d'organiser le monde de l'esprit, d'être un dispositif qu'il faut avoir sur soi pour transformer des éléments bêta en alfa, pour unir protection et liberté, sentiments infantiles et identité sexuelle adulte.

Dans l'intervention thérapeutique de l'analyste pendant la séance, il est fondamental de concentrer son attention sur la façon dont est utilisé le transfert que le patient manifeste dans les rêves, dans les communications, dans le comportement : cette modalité de relation est reconnue, décrite, transformée en formes de fonctionnement psychique que le sujet peut ressentir comme nouvelles et introjectables comme des parties de soi-même. Je suis de l'avis que l'aspect essentiel concerne la complexité de l'opération qui se déroule dans l'espace transitionnel, où le jugement de réalité est suspendu et où la dynamique du fonctionnement psychique prend de l'importance. Cette complexité est faite de reconnaissance des mécanismes transférentiels, de construction commune de nouveaux patterns, de transformation en métaphores portant la trace du sujet et de l'autre en modalités introjectables. Cette façon de fonctionner de l'intervention de l'analyste favorise l'obtention d'un résultat interprétatif ayant les caractéristiques d'instrument de l'activité mentale et, en même temps, une configuration qui renforce l'autonomie du sujet, lui tienne compagnie dans la solitude de l'individuation, étant donné qu'il peut être emporté avec soi comme résultat d'une rencontre avec l'autre qui ne se perd pas au moment de l'intériorisation.
Un exemple clinique: un jeune homme, P., d'environ 35 ans, alterne des moments d'immersion totale dans l'autre qui l'inonde et qui est tour à tour la mère, une jeune fille, l'analyste, arrivant jusqu'à ne plus avoir une vie à lui, ni vie professionnelle, ni logement, ni vie physiologique (il ne dort plus pendant plusieurs jours, ne va pas à la selle, ne mange pas) à d'autres moments où il se retranche dans un refuge cuirassé, reconquérant une structure solide, mais dépourvue d'aspects émotionnels, à l'imitation du père très sévère et reproduite par phases, au cours de l'analyse. Il est mal à l'aise dans les deux situations. Ces aspects de son fonctionnement psychique prennent forme petit à petit dans le transfert, dans les rêves, dans les récits et dans les métaphores : il s'agit d'inondations qui menacent d'emporter le pont où il se trouve, ou bien de constructions imposantes, intouchables (une église gothique), ou rigides et carrées (une maison de style fasciste). Les interprétations reconnaissent ces éléments comme des lieux identifiables de son histoire extérieure (l'église de l'école maternelle, l'inondation de la rivière près de chez lui, etc.) et intérieure (un rapport avec les figures parentales et avec moi dans le transfert, qui signale l'absence d'une construction mentale à lui, remplacée pour l'instant par le cadre analytique comme espace-temps constructif). Un jour il arrive avec un journal où il y a la photo d'une église que la crue de la rivière a emportée avec tous les chats qui s'y étaient réfugiés, malgré les généreux efforts d'une amie des animaux qui était allée à leur secours en bateau. La nouvelle du journal nous trouve désormais miraculeusement à l'abri de l'inondation : l'analyse est avancée, avec la construction d'une structure mentale donnant forme et sens à ce qu'il ressent et qu'il pense et qui lui a permis de penser à s'acheter une maison à lui. L'église submergée par l'inondation avec les aspects vitaux prisonniers peut devenir le chapitre d'une histoire psychique que nous pouvons documenter, tandis que la maison natale construite pendant l'analyse, devient un lieu intérieur où il habite et qui porte les traces de la fonction analytique structurante paternelle, sans être celle du père analyste et par conséquent rigide et qu'il ne peut intérioriser comme étant la sienne. Dans ce cas, la construction/interprétation s'est formée tout au long du processus psychanalytique en une transformation dynamique des formes : la construction intériorisable est celle qui est ressentie comme étant la sienne, résultat de la contribution active du patient ; c'est un instrument de fonctionnement psychique personnel, mais aussi une compagnie dans la solitude de l'individuation, parce qu'elle conserve une trace de l'autre, avec qui il l'a construite. Tout comme l'objet transitionnel, qui est un objet-non-moi qu'il ressent comme le sien.

4. La construction interprétative

La dyade construction/interprétation se développe dans le processus psychanalytique avec la création de quelque chose de nouveau : ce n'est qu'après-coup, comme dans le cas de la grange ou de l'église inondée, que nous savons quelle construction/interprétation était la bonne, et ce n'est pas parce qu'elle était fidèle à l'histoire factuelle du sujet ni parce qu'elle représentait une construction particulièrement exhaustive et brillante de son monde psychique, mais plutôt pour son efficacité transformative, pour sa qualité de fournir au sujet de nouveaux instruments d'auto-organisation spontanée des émotions et en même temps une compagnie intérieure, un lien, au lieu du renoncement à la contribution de l'autre, qui est maintenant devenu utilisable dans des formes non inondantes. Ce n'est qu'après, que l'on sait quelles sont les constructions fonctionnant comme libération métaphorique des expériences accumulées dans le sujet et qui se font connaître à travers les 'distorsions' constituées par les interprétations de l'analyste. Pour reprendre la pensée de Winnicott (1968), l'important, c'est qu'elles représentent un événement psychique réel, c'est-à-dire qu'elles soient quelque chose de nouveau, trouvé par le sujet avec la contribution de l'autre qui l'a formulé et par conséquent ressenti comme une partie de soi, mais qui est aussi partagé.
Penser de cette façon aux interventions de l'analyste, cela permet de trouver une issue à l'usage encombrant de la double dénomination : construction/interprétation. On peut utiliser le terme interprétation en le soustrayant à la cristallisation à laquelle l'utilisation de routine l'a soumis et usé, depuis Strachey (1934) et lui rendre son épaisseur signifiante. Mieux encore, on peut préciser que nous parlons de constructions interprétatives.

La construction interprétative est une activité mentale où le psychanalyste fait ce qui suit :
- il effectue un travail de recherche de significations cachées ou absentes, suivant la meilleure tradition herméneutique sacrée ;
- il donne une voix d'acteur à des personnages (Ferro 1999) présents dans le monde interne du patient ou à de nouveaux aspects qui n'ont jamais trouvé d'interprète disponible à représenter des figures de l'âme pouvant sembler étrangères à lui-même et aux autres (Kristeva 1988) ;
- il formule des projets constructifs qui correspondent au désir, conscient et inconscient, du patient d'habiter dans un monde psychique vivable, agréable et fonctionnant (pas d'églises gothiques ni de maisons fascistes, mais peut-être seulement une grange : il faut cependant qu'il y ait un architecte qui en interprète le désir et le dessine).
Le terme construction interprétative contient aussi la valeur structurante pour la vie psychique, constituée par la parole qui organise des états psychiques et les mémorise en formes qui leur donnent une survie pouvant être partagée avec les autres. La parole comme qualité divine des êtres humains, qui marque le début d'un monde psychique et donne une vie mentale à l'expérience des choses qui acquièrent ainsi une existence pour le sujet ainsi que pour l'autre.


Références bibliographiques

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