La thérapie familiale psychanalytique
(C. Frisch-Desmarez, M. P. Durieux, Revue Belge de Psychanalyse, 25 années d'archives, Numéro 41, Automne 2003)
A. Ruffiot (1981) définit la thérapie familiale psychanalytique comme suit :
« Il s'agit d'une thérapie par le langage du groupe familial dans son ensemble. Cette thérapie familiale vise à l'autonomisation des psychismes individuels de chacun des membres de la famille par la réactualisation, grâce au transfert sur le psychothérapeute, dans l'ici et le maintenant de la consultation, des conflits internes et externes et ceci en rétablissant la circulation fantasmatique dans l'appareil psychique groupal-familial ».
Avant de commenter l'article sur la thérapie infantile familiale, laissons l'auteur l'introduire :
« Dans notre parcours de pédopsychiatres, nous avons été amenées à nous intéresser de plus en plus au travail psychanalytique avec les familles. Nous nous sommes rendu compte, à travers notre pratique clinique, que les avancées du travail psychothérapeutique individuel avec l'enfant pouvaient souvent être annulées par la persistance d'un dysfonctionnement familial non élaboré. Au fil de nos années de supervision avec Danielle Flagey, pionnière du travail avec les familles à la Société Belge de Psychanalyse, il nous est apparu que l'enfant était le receptacle d'identifications projectives pathologiques de la part de ses parents et qu'il était ainsi acteur de scenarii inconscients familiaux dont le symptôme pouvait être la partie émergente. Un travail préliminaire avec la famille nous semble, de toute manière, nécessaire, avant de poser une indication thérapeutique afin de dégager le psychisme de l'enfant des projections parentales qui pourraient entraver son développement. Dans certains cas, ce travail peut être bref et suffit à re-délimiter les espaces psychiques de chacun, ouvrant l'espace d'une psychothérapie psychanalytique individuelle pour l'enfant. Dans d'autres situations, quand les mécanismes de clivage et de dénis familiaux sont trop serrés ou trop destructeurs pour l'enfant, l'indication d'une thérapie familiale doit être posée. »
Cette thérapie se base, selon l'auteur, sur une assise maturative à trois moments organisateurs inconscients de la famille, qui sont :
1. Le choix du partenaire et l'édification du couple ;
2. Le Soi familial avec l'habitat intérieur, l'appartenance ;
3. Les fantasmes partagés par les membres de la famille.
Tout cela se jouant dans un cadre strict et souple en même temps, pour permettre une transitionnalité thérapeutique fluide.
Les conditions de la prise en charge familiale varient selon plusieurs critères de résistance ou de fonctionnement psychique défensif de la famille, qu'il soit névrotique ou pré-névrotique.
Le lot transgénérationnel semble la plupart du temps assez lourd.
COMMENTAIRE
Article innovateur car les identifications projectives aux objets internes des parents (« visiteurs » ou « parasites »), dans un registre transgénérationnel, peuvent être vite élaborées par l'enfant, dans cette approche thérapeutique familiale.
L'indice fantasmatique est tissé à partir du contre-transfert agissant de l'analyste en interaction avec les projections familiales, son identification ou pas à leurs objets internes et sa capacité de rêverie contenante-receptacle.
L'analyste reçoit les projectiles transgénérationnels qui réveillent en lui tous ses « visiteurs » encore en suspens, qui accueillent ou refusent les invités. L'enfant entend les parents « dire » ce qui a été traumatiquement refoulé ou nié, « voit » sa place malplacée dans le discours de l'un ou des deux parents,et l'image intègre alors sa juste « place ». L'enfant n'a plus besoin de symptômes pour dire son malaise de cette énorme angoisse du sous-entendu, en la véhiculant à travers son corps. Les stigmates se colmatent. Les symptômes semblent s'effriter après quelques séances de thérapie familiale, résultat qui n'est pas toujours évident dans les prises en charge individuelles.
Les défenses, les angoisses se jouent sur un théâtre de scène primitive familiale, dans l'ici et le maintenant du groupe, où la défaillance contenante se tisse avec un contenu cousu par le thérapeute et le groupe familial en co-thérapeute .
Quelques questionnements et paradigmes s'imposent :
- La formation solide individuelle et groupale de l'analyste, semble impérative pour un rôle-cible assez chargé.
- Le lot des projections archaïques nécessite en principe de travailler à deux, avec un un co-thérapeute recevant le clivage et les attaques mortifères ; situation difficile pour un analyste seul en bataille.
- Les enfants préfèrent la plupart du temps « cacher » le matériel analytique aux parents. Leurs fantasmes et désirs inconscients semblent assez intimes pour le partager avec eux (les dessins entre autres). Cela les aide à s'autonomiser. Comment peuveut-ils alors beneficier d'une thérapie familiale qui libère leur désir ?
- L'auteur défend bien son point de vue sur les raisons du choix d’une thérapie individuelle ou familiale, car cela dépend de la configuration et de la problématique familiale et de l'enfant. Des fois une thérapie familiale brève ou à long terme semble suffisante, dans d'autres cas, une prise en charge analytique individuelle de l'enfant sera recommandée après la thérapie familiale.