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Clivages : éléments de réflexion

Exemple particulier du clivage potentiel

Maurice KHOURY

(Conférence prononcée le 26 février 2023 dans le cadre des activités scientifiques de l’Association libanaise pour le développement de la psychanalyse)

Depuis quelque temps et plus qu’à d’autres moments de ma pratique, je m’intéresse très particulièrement à un phénomène que je rencontre quelquefois et qui, de plus en plus, me semble soudain éblouissant et saturé de sens.
Visiblement plus clair que depuis le temps où je m’essaie à le cerner et le distinguer cliniquement, il m’apparait avec des propriétés un peu mieux différenciées depuis que je m’attache à comprendre ses effets dans la relation transférentielle de la cure, mais aussi au sein des relations sociales. J’en ai perçu ses incarnations dans la clinique et en dehors de la clinique, dans des liens naturels, humains et sociaux, et c’est de ces deux terrains-là que j’ai pu en saisir les rouages.

Je vais parler aujourd’hui du clivage, de sa spécificité et de ses destins au sein de l’éventail des mécanismes de défense dans l’économie du psychisme. Bien que réservé particulièrement aux pathologies, je donnerai quelques exemples de ce mécanisme et de ses incidences relationnelles dans la vie quotidienne. Je continuerai par la suite avec quelques hypothèses sur le clivage dit potentiel, clivage constitutif de la psyché humaine et qui témoigne de sa complexité de structure. Je terminerai avec quelques exemples sur une certaine manière d’écouter ce type de clivage, avec ses implications cliniques et techniques dans la cure.

Concernant le couple déni/clivage comme mécanisme de défense, nous verrons comment cette notion a été découverte et intégrée à l’épistémologie psychanalytique et son corpus théorique. Nous allons donc naturellement parler de Freud et de cette trouvaille formalisée un an avant sa mort (1938), alors que le coup d’envoi avait déjà été donné depuis le tout début de la découverte de la psychanalyse : clivage de la conscience dans l’hystérie (états hypnoïdes), clivage entre conscient et inconscient, clivage des deux principes, de plaisir et de réalité ; en 1915, et dans la mélancolie, c’est le clivage entre deux parties du moi, l’une critiquant l’autre (avant la conceptualisation du surmoi).
Freud utilisait donc ce terme à chaque fois que, suite à un conflit, il évoquait l’idée d’une séparation, d’une antinomie dans le fonctionnement psychique. Mais en 1927 (Le fétichisme) et en 1938 (Le clivage du Moi dans le processus de défense), la notion se formalise et devient mieux spécifiée : les deux parties clivées sont quasi totalement séparées et fonctionnent parallèlement.


De quoi parle-t-on quand nous abordons le clivage ?

Clivage dans son sens général veut dire fracture, séparation, scission, fractionnement d’un tout, généralement en deux parties ou plusieurs mais dans ce cas on parle de fragmentation, de morcellement et de démantèlement. Le clivage concerne des minéraux et cristaux qui se fracturent selon certains plans d’orientation précise.

En psychanalyse, et dans cette entité supposée qu’est le psychisme, le clivage est un mécanisme de défense qui provoque une division dans le moi, avec deux parties qui, à un certain stade, ne peuvent se concilier sans dégâts : ce sont deux réalités contradictoires devant lesquelles le psychisme se doit d’opérer une ruse pour pouvoir les accepter et jouir des deux en même temps ; par exemple, jouir d’un plaisir pulsionnel, mais aussi se soumettre à la réalité qui stipule qu’il faut y renoncer sous risque de blessure narcissique, de rétorsion castratrice de la part d’une instance extérieure ou de retentissements surmoïques qui font retour. D’où la connotation structurelle perverse du clivage (ce qui ne veut pas dire que tout clivé est un pervers) : réaliser le tout (ou presque) et ne se défaire de rien. S’abstenir d’accomplir et réaliser en même temps.

L’aphorisme type qui représente le clivage en psychanalyse est : « je sais bien mais quand même… » ou, « Je sais bien mais je ne veux pas le savoir. »
Rappelons-nous en l’occurrence que le clivage, dans la panoplie des mécanismes de défense et à leur instar, demeure une réaction devant une situation intolérable et contre laquelle le psychisme devrait statuer par un « non », dans toutes ses tonalités.

Je vous donne tout de suite l’exemple d’une connaissance qui m’avait fait part de la réaction de son fils devant un accouplement de chiens : cet ami, soucieux d’initier son fils de 5 ans aux prémices de la vie sexuelle, lui montre, à l’occasion d’une promenade en forêt, un chien et une chienne en train de s’accoupler. La réaction de l’enfant ne se fit pas attendre : il regarde, puis détourne vite sa tête avec dédain et continue à faire ce qu’il faisait comme s’il n’avait rien vu alors que d’habitude, très intéressé par les animaux (je vois, je le sais bien mais je ne veux ni voir, ni savoir). Il est fort probable que ce que cet enfant voulait désavouer, c’est la perception renvoyant elle-même à la représentation d’un fantasme originaire : de castration, de scène primitive ou autre.

Nous pourrions rétorquer que c’est le cas de tous les mécanismes de défense que l’on connait, même dans les névroses. Le refoulement par exemple : devant deux représentations contradictoires (moi-plaisir et moi-réalité) le moi chasse, refoule une représentation pulsionnelle qui revient par le rêve, l’acte manqué ou le symptôme qui, eux, sont des compromis : dans le symptôme névrotique, sont satisfaits et la réalisation pulsionnelle et son interdit : jouissance libidinale secrète par le symptôme mais aussi douleur psychique de par les contraintes du symptôme, qu’il soit hystérique, obsessionnel, phobique ou propre à l’inhibition d’une fonction.

Mais la différence majeure, aussi schématique soit-elle, demeure dans le destin du clivage : à la place d’une formation de l’inconscient – acte manqué, rêve ou symptôme névrotique (retours de refoulé) – qui élit domicile dans le territoire psychique avec toutes les formes de symbolisation, figuration et déplacement, le destin du clivage se lit dans le réel ; le réel du corps (somatoses), le réel de/dans l’autre qui le reçoit, le réel qui éclot dans le trangénérationnel, le réel hallucinatoire ou encore l’agir.


Particularités et exemples

À partir de cette dernière idée, si le refoulement ou la dénégation (version intellectuelle du refoulement) opèrent un « non » face à un désir ou une représentation psychique, le déni – et le clivage qui s’ensuit – désavoue une perception : « Dans le déni, le sujet refuse de tirer les conséquences psychiques de ce qu’il a pourtant perçu. Le déni porte sur l’incidence d’une perception désagréable, tandis que la (dé)négation porte sur l’acceptation d’un désir. » (Bokanowski, 2023).

- Le déni et le clivage répondent donc à une perception débordante économiquement, une réalité traumatique qui effracte le pare-excitation, ou à une perception ayant des conséquences psychiques menaçantes pour le moi. Elle peut être tellement puissante de par la représentation qu’elle appelle ou à l’opposé, de par la représentation manquante, qu’elle provoque un trou dans le système de protection du psychisme. Nous avons parfois affaire à des blancs de la pensée, des dénis de réalité, ou une construction délirante venant colmater la béance laissée par le non symbolisé suite à l’effraction.

- La partie rejetée qui reste clivée à l’intérieur – au cas où elle ne subit pas un rejet vers l’extérieur en revenant par l’hallucination par exemple –, le psychisme l’isole parfaitement, l’enclave dans un espace interne qui se situe, je dirais, à mille lieues des terres habitées ; complètement recluse dans une cellule, un compartiment qu’on n’ouvre plus et qui devient sans lien aucun avec les autres représentations du psychisme. Un verrouillage vient couronner le tout ; dès lors, le contenu enclavé ne peut sortir que dans des agirs, une cascade de métaphores délirantes, des hallucinations, une inquiétante étrangeté dans la relation, autant de signes statuant de sa réapparition dans le réel.

- Sur cette dernière particularité, l’une des propriétés fondamentales de cette partie isolée est que, dans la relation, l’autre la ressent parfaitement ; il ne sait de quoi il s’agit mais ressent quelque chose qui peut être très varié de par son effet : il peut ressentir une inquiétante étrangeté, une angoisse indéfinie, ou aussi, un trop plein d’énergie interne qui peut se traduire par une colère extrême ou même un fou rire, tombant des nues devant la bizarrerie du phénomène [1].

Certains clivages ne font pas beaucoup de dégâts dans l’entourage, contrairement aux clivages propres aux perversions narcissiques et à certaines psychoses dans lesquels la partie clivée se joue dans l’entourage qui défraie la projection : ce que Paul-Claude Racamier appelle « translations défensives » (déplacement, transport, projection vers l’extérieur) va dans ce sens. W. Bion le dit à sa façon quand il parle de transformations en hyperbole.

Autre type de phénomène de clivage : les personnes qui vous égarent par une certaine dysharmonie du self ; vous constatez leurs richesses, leur finesse, mais elles vous surprennent par leur immaturité dans les relations ou leur maladresse dans la communication. Vous vous en sentez égaré par la dissonance et le désaccord entre leurs facultés ; si vous les prenez dans des circonstances détachées les unes des autres, elles peuvent vous impressionner, vous émouvoir, positivement ou négativement ; si vous les fréquentez dans une sorte de continuité temporelle, vous dégagez avec le temps l’effet du clivage intérieur dont ils sont l’objet.

Autre exemple puisé dans la clinique : une femme me racontait combien les sentiments et actes de reconnaissance de sa mère à son égard pouvaient être précaires, éphémères, non partageables et disparaissaient le lendemain : un geste affectueux exprimé la veille est gommé le lendemain, comme s’il n’avait pas existé. Cette femme avait souvent envie de demander à sa mère si c’était bien elle qui, la veille, qui la complimentait, montrant sa fierté à l’égard de sa fille et l’entourant d’affection : « Était-ce bien elle hier ? »

Sur le phénomène du clivage et les personnes « absentes à elles-mêmes », G. Bayle soutient que « … personne ne peut se sentir ‘’clivé’’ tout en l’étant… » (Idem, p. 1334) ; la personne ne peut en avoir conscience ; car repérer son propre clivage suppose une suffisante « fonction synthétique » de soi-même, une conscience suffisante des différents espaces intérieurs articulés ; leur trouver des liens dynamiques, conflictuels et de ce fait même, ce n’est plus de clivage dont il s’agit (Bayle, 1996).


La fonction synthétique du moi

C’est une expression utilisée par Freud dans son dernier essai sur le clivage, Le clivage du moi dans le processus de défense (Freud, 1938). Texte intuitif et d’une importance capitale, il établit les fondements des élaborations ultérieures sur la question. Un rapide résumé du texte éluciderait la discussion sur la fonction synthétique du moi.

Dans cette « communication nouvelle et déconcertante », Freud s’intéresse au comportement curieux d’un enfant, sous l’influence d’un traumatisme psychique. Ce petit garçon, ayant une pratique masturbatoire soutenue, est surpris par une réalité menaçante tout à fait inattendue et doit se décider s’il doit maintenir sa masturbation ou s’en empêcher. Que fait-il ? Il arrive à la maintenir par une ruse très habile qui met son pénis hors de danger. Ainsi, « un succès est atteint au prix d’une déchirure dans le moi, déchirure qui ne guérira jamais plus, mais grandira avec le temps. Les deux réactions au conflit, réactions opposées, se maintiennent comme noyau d’un clivage du Moi ». Les deux parties en litiges sont satisfaites : la pulsion conserve sa satisfaction et la pression de la réalité est payée par une angoisse puis par la constitution d’un fétiche.

Ce garçon de 3, 4 ans, séduit par une petite fille plus âgée, prend connaissance des organes génitaux féminins. Après rupture de la relation, le garçon prolonge la stimulation sexuelle reçue auparavant, par une masturbation intense.
Surpris sur le fait par sa gouvernante, il est menacé de castration.
D’abord, l’enfant ne cède pas devant la menace et refuse d’y croire.
Il commence à « théoriser » et se convainc qu’il n’y a pas de mal à cela et que l’organe va pousser un jour chez la fille (théorie sexuelle infantile) ; par conséquent, pas de danger pour son propre organe.
Puis, le danger de la menace revient, réveillé par le souvenir de la perception, qui commence à se confirmer : « Il doit croire désormais à la réalité du danger de castration. »

Normalement, l’angoisse de castration, a pour conséquence une abstention totale ou partielle ; mais l’enfant n’a pas dit son dernier mot.
Il s’est créé un substitut, le fétiche (il investit une autre partie du corps de la femme comme le genou, le pied, les orteils, les sous-vêtements). Par ce fétiche, il procède à un déni de la réalité de la castration, puisque la femme se dote d’un fétiche-organe à côté, et lui, sauve son pénis ; il continue donc tranquillement sa masturbation.
Le mécanisme est saisissant et le déni de la réalité demeure réalisé.
Le petit garçon n’a pas simplement contredit sa perception et halluciné un pénis à l’endroit du manque… il a uniquement procédé à un déplacement de valeur et transféré la signification du pénis à une autre partie du corps de la femme (par la régression). Pour son pénis rien n’a changé ! le déplacement n’a concerné que le corps de la femme.

Je reprends ce que Freud dit concernant ce phénomène de clivage : « L’ensemble du processus ne nous parait si étrange que parce que nous considérons la synthèse des processus du Moi comme allant de soi. Mais là nous avons manifestement tort. Cette fonction synthétique du Moi, qui est d’une si grande importance, a ses conditions particulières et se trouve soumise à toute une série de perturbations. » Dans le cas de l’enfant, la fonction synthétique du moi serait de penser que devant le danger de castration, l’issue serait de s’abstenir de toute activité masturbatoire.


Clivage potentiel et hypothèse

Quelques années plus tôt et dans Les nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, il avait donné l’exemple du cristal fêlé « où il compare les altérations de la psyché à celles d’un cristal dont les plans de clivage virtuels, conséquences de sa structure moléculaire, sont […] révélés par un choc qui en dissocie l’unité » (G. Bayle, 1996, p. 1415). À la base donc, la structure contient en elle des lignes de clivage avant le choc (ou le trauma).
Freud dit : « Jetons par terre un cristal, il se brisera, non pas n’importe comment, mais suivant ses lignes de clivage, en morceaux dont la délimitation, quoiqu’invisible, était cependant déterminée auparavant par la structure du cristal. » Il avance aussi : « Là où la pathologie nous montre une brèche ou une fêlure, il y a peut-être normalement un clivage. »

La fonction synthétique du Moi n’est donc pas toujours opérante ; ce qui veut dire que notre psychisme est peuplé de représentations et d’événements autonomes les uns des autres ; ils peuvent fonctionner en pièces détachées et survivent indépendamment les uns des autres. Ils sont liés par le Moi (conscient comme inconscient) mais cette action ne va pas toujours de soi. Si le Moi réussit à les lier, il est aussi susceptible de se scinder temporairement, pour s’assembler à nouveau.

G. Bayle se pose la question de savoir si l’on accepte l’importance, dans le psychisme, d’un clivage potentiel (dans ce cas, il faudrait admettre la présence d’un clivage ontogénétique, de développement), ou alors celle d’un défaut de synthèse du moi… en tout cas, cette conceptualisation « mérite d’être prise en considération en tant que potentialité de révélation de carence de la fonction synthétique du Moi soit par débordement de celle-ci, ce qui mène au clivage fonctionnel [2], soit par carence liée à la forclusion, conduisant à la constatation d’un clivage structurel » [3] (Bayle, 1996, p. 1418).

Bayle réduit donc l’importance du clivage potentiel – ontogénétique – et met en avant une « potentialité de révélation » de carence de la fonction synthétique du moi qui donne lieu aux deux autres formes de clivage : le clivage fonctionnel et le clivage structurel. Ce à quoi répond C. Le Guen en défendant la primauté de la « potentialité » dans la détermination du clivage.


« La fissure d’aujourd’hui doit suivre l’articulation d’hier. » (C. Le Guen)

Claude Le Guen, dans une intéressante discussion du rapport de Bayle, réhabilite le concept de clivage potentiel : le moi serait « orienté et prédéterminé par sa structure propre et non par celle d’une fêlure » (C. Le Guen, 1996). Ce n’est donc par le clivage qui est structurel (même si les malades mentaux sont considérés comme des structures fêlées et fissurées) mais le moi, qui porte sa propre structure « potentielle ». Il ajoute, en citant Freud, que « Là où (la pathologie) nous montre une cassure ou une fissure, il peut y avoir, normalement, une articulation » (c’est Le Guen qui souligne).
S’adressant à Bayle, il souligne : « Des lignes de clivage préexistent dans tout moi puisqu’elles participent de sa structure ; il y a donc bien, comme l’annonce Freud, un "clivage potentiel", et je pense que tu manques quelque chose à l’évacuer comme tu le fais ; […] ce clivage potentiel ne saurait renvoyer à un "défaut", à une carence : témoin de la structuration du moi, il est naturel, nécessaire et universel… »


À ce stade de la réflexion mon hypothèse est la suivante : le clivage et la fragmentation ne relèvent pas exclusivement du pathologique ou du déficitaire (G. Bayle), voire du défensif en terme de mécanismes de défense qui se mettent en place pour sauver l’intégrité du psychisme, mais font partie de la constitution même du psychisme humain et de sa potentialité fragmentée, psychisme qui passe sa vie durant à se rassembler, puis à se démanteler au besoin, pour essayer de se rassembler à nouveau à partir d’un clivage potentiellement déterminé.

C’est donc tout un travail de déliaison-reliaison ou vice versa, un travail de liaison-déliaison qui serait à l’œuvre dans les transformations psychiques et l’on pourrait avancer que l’une des fonctions du processus analytique est d’amener à une souplesse dans le rapport du sujet à ses propres clivages potentiels qui augurent aussi d’une complexité « de vie » dans la richesse du psychisme.


Dans l’évolution des idées, j’ai pensé à deux métaphores qui viendraient illustrer le clivage potentiel dans le psychisme, avec le moins possible de fonction liante et de fonction synthétique attribuée au moi. Ces deux exemples se caractérisent néanmoins par une articulation des fragments [4].


Métaphore graphique et musicale


Métaphore graphique

C’est celle de la façade d’un immeuble avec une vue sur ce qui se passe dans chacun des appartements. Vous le percevez par les fenêtres ou bien si vous faites une coupe transversale de l’immeuble, vous constatez des événements dissociés, des scènes, activités et incidents autonomes qui peuvent être reliés par des articulations intrinsèques ou par celui du moi du spectateur lui-même.
Si nous transposons cette métaphore au psychisme, nous voyons que c’est comme cela qu’il fonctionne. Événements du passé infantile, antichambres, greniers avec objets oubliés, deuils, occasions et célébrations…

Ces scènes fonctionnent isolément, indépendamment les unes des autres, elles figurent des épreuves, des joies, des tristesses, des rassemblements de famille, des vécus isolés, des musiciens s’exerçant séparément dans un conservatoire… pourtant, dans le grand tableau elles apparaissent comme reliées et articulées dans une grande structure.
Ce dernier exemple m’amène à la seconde métaphore, variante de la première.


Métaphore musicale

« APARTMENT HOUSE » (Immeuble d’appartements)

C’est le titre donné à une forme musicale contemporaine que nous devons au compositeur américain John Cage. Je le prends comme métaphore de parties du psychisme fonctionnant côte à côte, sans se toucher, sinon fortuitement. Elle ne devient synthétique que pour celui qui écoute la pièce musicale (ce qui pourrait être applicable à l’écoute analytique).

John Cage (1912-1992), qui s’est illustré comme compositeur de musique contemporaine expérimentale, a révolutionné la musique occidentale en y apportant l’indétermination du hasard. La structure même de ses compositions s’ouvre sur un champ d’opérations aléatoires avec une grande liberté́ donnée aux musiciens interprétants. L’importance de certaines de ses œuvres réside en ce que nul élément n’est délibérément relié à un autre et que les éventuelles rencontres ne sont que pures coïncidences.

 

Exécution

Le chef d’orchestre propose aux musiciens de l’orchestre de jouer pendant une durée chronométrée (chaque musicien ayant son propre chronomètre devant lui) une série de morceaux préalablement choisis par chaque musicien seul. Ces morceaux (parfois entrecoupés par des silences d’une durée limitée d’avance), sont soigneusement agencés par chaque instrumentiste avant la performance. L’instrumentiste ignore parfaitement ce que l’autre musicien va jouer en même temps que lui, au déclenchement du chronomètre. Le premier intérêt de cette forme est que chaque musicien va interpréter son morceau, en même temps que les autres interprètent les leurs. Le reste de ce qui est demandé par l’arrangeur est très précis pour chaque membre de l’orchestre :

- C’est le chronomètre qui statue du début et de la fin du morceau joué par chaque musicien.
- Les musiciens ne doivent jamais partager avec les autres membres de l’orchestre le contenu musical de leur choix préalable. Ils doivent seulement commencer et terminer ensemble en fonction du déclenchement du chronomètre et de la fin de la pièce. « Le programme de chacun doit être tenu complètement secret. Aucun des détails de son contenu ne doit être partagé avec les membres de l’orchestre. » (Khoury, 2007)
Ces formes monadiques [5] exécutées simultanément rappellent les sons, bruits et musiques qui sortent des appartements d’un immeuble (d’où le nom donné par Cage à cette forme musicale) ou, plus exactement, des différentes salles d’un conservatoire de musique où chaque étudiant s’exerce seul.

L’ensemble est vraiment étonnant ! Dans cet apparent désordre musical où règnent perception et sensation, des moments d’harmonie significative se dégagent, des moments de croisement d’instruments apparaissent spontanément, provoquant des éprouvés particuliers chez musiciens et auditeurs (pensons à l’écoute analytique). Des phrases musicales se rencontrent fortuitement, s’harmonisent pour s’éloigner à nouveau. Même les silences arrivent à s’entrecroiser : par exemple, deux musiciens qui optent sans le savoir pour une pause au même moment, laissant les deux ou trois instruments restants continuer ensemble (Khoury, 2007).

Cet exemple nous montre comment, à condition de bien suivre la consigne, un certain ordre se saisit d’une forme aléatoire où un désordre originel fait de perceptions et de sensations, évolue vers une création de sens. La théorie du chaos déterministe est incontournable ici, ainsi que l’importance donnée à l’imprévu et à la potentialité́ d’apparition du nouveau dans le système, thèse que G. Pragier et S. Faure-Pragier (Pragier, Faure-Pragier, 1990) ont soigneusement examinée et développée dans leur comparaison avec les mouvements psychiques de la relation analytique.

Le morceau suivant illustre parfaitement cette expérience par laquelle le sens se saisit de l’aléatoire, celui de mélodies et de phrases musicales initialement dissociées l’une de l’autre.




Apartment House 1776
Chiam Parchi, Darrell Dunn, Semenya McCord, Walter Buckingham, New England Conservatory Philharmonia.
J. Cage: Orchestral Works 1.


Clinique et technique

Appartment House est l’exemple type du déroulement d’un rêve qui est d’abord régi par les processus primaires. Énergie libre, avec un minimum de lien et un sens dans un après-coup. Freud l’a bien compris, ces parcelles d’éléments, cette fragmentation de l’esprit serait à la base du rêve, en deçà de ce qu’on appelle le travail du rêve, lui-même inconscient et secondairement saisi par le préconscient.
La manière avec laquelle s’annonce le rêve – décousu, figurabilité disparate, incidents bigarrés –, commence à se synthétiser quand le rêveur s’en rappelle, d’abord, ensuite quand il commence à le relater dans une élaboration secondaire qui va dans un sens de plus en plus construit. Mais à la base, un rêve est-il déjà construit quand on le fait ?
Le rêve serait aussi, comme le signifie Bion, une tentative de faire sens, un travail de sens, à différencier d’avec le « rêve freudien » qui tente de saisir le sens latent, les pensées du rêve, à partir du manifeste.

Cette apparente apologie du clivage potentiel, certes très schématisée, aurait des implications cliniques et une manière nuancée d’entendre le psychisme et de le rendre au patient. Certes, dans la technique psychanalytique, nous observons les deux cas de figure : celui qui montre le tableau dispersé par l’association libre, et celui qui relie, organise, construit, synthétise et fait sens.
L’association est pleine de parcelles dispersées, avec quand même des éléments reliés, ne fut-ce que par le déploiement des pensées. Du côté de l’analyste, certains post-lacaniens condamnent l’interprétation car elle mettrait le moi « synthétique » de l’analyste en avant. Pour Lacan, la fonction de l’analyste est celle de ponctuer au lieu d’interpréter et de construire.

Avant de donner quelques exemples d’écoute et d’interprétation, j’aimerais mentionner ce qui se passe dans les premières séances où l’on reçoit quelqu’un avec une demande, et comment cela évoluerait par la suite. Le sujet en demande exprime ses premières pensées : des affects, des faits et des souvenirs, une plainte et une attente. À la fin de la première séance, vous lui proposez une seconde. Au terme de quelques séances, vous vous demandez quoi en retenir… quoi dégager de sa problématique, quoi proposer… vous êtes mal à l’aise ; qu’est-ce que vous pouvez en dire ?
Vous vous rendez par la suite compte avec les séances suivantes et ensuite dans l’expérience et le déroulement de l’analyse que les mots, les angoisses, les tourments et la structure du patient vont devenir plus clairs et que les éléments vont se regrouper spontanément autour de noyaux qui se définissent progressivement, au fur et à mesure de l’évolution du travail. Ces éléments vont se poser et s’imposer tout seuls. Si vous lâchez votre écoute, c’est ce qui va se passer ; autrement dit, si vous vous laissez aller à la fragmentation du discours avec ses éléments épars, paradoxaux et absurdes, le sens va se mettre en place, sans une intervention très active de votre part mais en revanche, à partir d’une écoute spécifique ; c’est une écoute du discours tout à fait différente des éléments qu’on relève dans une anamnèse organisée ; le sens opérera à partir d’une condensation d’éléments autour de différents foyers, en terme de processus primaires. La secondarisation viendrait par la suite.
Dans cet exemple, « la fonction synthétique du moi de l’analyse » opère le moins possible, pour donner libre cours à la libre potentialité des pensées de l’analysant.


L’écoute et l’interprétation

Les données ainsi observées donnent la mesure d’un type d’écoute qui privilégie le déploiement flottant et le fonctionnement libre dans l’expression de la psyché. Afin d’éviter le piège d’un savoir interprétatif préconçu et afin de permettre une poursuite, la plus libre et ouverte possible des associations, ce genre d’écoute appelle un type particulier d’interventions et d’interprétations de l’analyste. Sans aller vers une réflexion approfondie et développée du concept technique d’interprétation, certains seraient à privilégier.


L’interprétation de la succession (des processus primaires)

C’est le cas par exemple quand l’analyste attire l’attention sur une succession de pensées : « Vous évoquez ceci, avant d’enchaîner par… » ; c’est un début de lien temporel, qui voudrait dire que les associations, aussi libres et dé-chaînées soient-elles, peuvent avoir un sens, ne fut-ce que par leur succession temporelle. Dans cette technique, l’analyste n’avance pas un savoir préétabli comme par exemple : « Ce monstre marin dont vous avez rêvé montre toute la haine et l’agressivité que vous essayez d’exprimer envers votre mère » ; en revanche, l’analyste pourrait avancer : « Après ce rêve de monstre marin, la première association qui vous vient est celle de votre mère… » ; donc pas de fonction synthétique chez l’analyste, il souligne juste une succession, des éléments épars et laisse perlaborer ; c’est alors ce qui viendrait dans la suite des associations qui va révéler le sens possible.


L’interprétation symbolique

« Ma bouche est cousue depuis quelques temps… je voudrais qu’elle s’ouvre » disait un analysant. L’analyste interprète en essayant de déconstruire tout un paysage construit autour de bouche cousue qui pourrait dire symboliquement beaucoup de choses. Analyste : « Motus et bouche cousue… » (évoque l’interdiction de parler ou le désir de garder un secret) ou aussi « Rien n’en sort, rien n’y pénètre… », évoquant une symbolique plus sexuelle ou aussi l’articulation dedans/dehors. Donc interprétations ouvertes où l’analyste ajoute une pensée en guise de tremplin pour la suite du discours.

Ou alors, si la problématique du patient va dans le sens de l’enfant qui s’est toujours senti isolé et silencieux dans un coin, loin de sa famille, pourtant présente physiquement, l’analyste dirait : « Isolement dans le silence de l’enfance… dans ce coin de la maison qui est devenu votre espace sécurisé… » (isolement et mutisme assurant sa sécurité). Ici, l’interprétation, quoique non contraignante, se referme un peu sur une construction d’éléments synthétisés ; mais… elle ouvre quand même un autre sens, qui pourrait pousser l’analysant à comprendre comment, sur son isolement il aurait construit une néo-sécurité.


Un exemple de clivage comme mode de défense contre-traumatique

C’est le cas des personnes qui semblent faire un travail de remémoration et d’élaboration quasi parfait : remémoration des scènes de l’enfance, traumatismes de guerre, travail de liaison et perlaboration, sensible évolution dans la nature de leurs relations, leur vie sociale, autonomes par rapport aux figures significatives du passé et puis subitement, nous avons l’impression que quelque chose par ailleurs bloque dans une sorte de réaction thérapeutique négative (Freud, 1923). On se rend compte que le transfert bat de l’aile, et l’objet transférentiel reste étrange, étranger, suspect et indigne de confiance ; mais cela ne peut être que deviné par l’analyste, avant que d’être interprété. Cet exemple est un cas de figure spécifique où l’analysant, parvenu à une étape d’amour de transfert, aurait senti et prévenu par le blocage, un sentiment d’aliénation à l’analyste – objet de transfert – aliénation qui lui ferait perdre toutes ses défenses devant les abuseurs du passé. Ce qui reste caractéristique ici, c’est le côté processuel très positif d’un côté et en même temps, le blocage d’un autre.

Mais le propre de ce concept de réaction thérapeutique négative et son articulation au clivage, est qu’on a toujours l’impression qu’un travail de liaison et d’élaboration continue à se passer ; alors que d’un autre côté, nous avons l’impression que rien n’a évolué dans certains secteurs dont certaines angoisses primitives, qui ont des traits de relations d’objet anaclitique.


Autres exemples

Un autre type de clivage qui mérite d’être cité est celui dû à des enclaves dans lesquelles le patient garde secrètement un parent en lui. C’est un noyau clivé dans lequel le parent en question reste hors d’atteinte du reste et le travail d’élaboration se fait sur un autre parent qui occupe l’essentiel de la scène dans des mouvements d’amour-haine ; haine destructrice, ou amour passionné, apparemment sans failles. Une sorte d’idéalisation primitive, aussi bien positive que négative. Puis on se rend compte de l’effet que le parent, caché, gardé secrètement, provoque à bas bruit chez le patient : « l’ombre de l’objet s’abat sur le moi » (Freud, 1915).

Finalement, un autre type de clivage, je dirais, assumé, c’est celui où un patient se voit intégrer le bon parent après tout un travail analytique mais en même temps, reconnait – sans nécessairement l’accepter et l’intégrer – toute la part de destruction et d’entrave à la liberté que ce même parent a pu provoquer en lui. Par exemple, en fin d’analyse, accepter et maintenir côte-à-côte le rejet d’une mère pour son enfant avec l’amour qu’on lui porte quand même…

Pour conclure, je résume mon hypothèse que les lignes du clivage du psychisme seraient primitivement dessinées (clivage potentiel) et constituent des restes et des traces d’événements non encore intégrés par la fonction synthétique du moi qui fait son travail avec un double aboutissement : celui de défier l’hyper-complexité fonctionnelle du psychisme, d’appauvrir sa potentialité créatrice d’une part, mais aussi d’assembler des unités qui aident à l’intégration du sens.
Comme métaphore, un exemple graphique et un exemple musical viennent soutenir la notion de clivage potentiel primitivement constituant du psychisme.
Quelques exemples cliniques illustrent finalement une technique d’écoute dépourvue, dans la mesure du possible, d’un savoir préétabli structuré par des préjugés théoriques.


Notes

1. Vous vous dites : « ce n’est pas possible, il, ou elle est à côté de la plaque, ou bien il ne voit pas ce qu’il fait ou ce qu’il dit – ex. un peu léger : « Il ne voit pas combien il chante faux ou il joue faux et il va quand même se présenter devant un jury, certain qu’il va être sélectionné et arriver aux finales de la sélection ! » ; car effectivement, la personne en question continue comme si de rien n’était… (c’est comme si la chose, tellement évidente, qui vous saute aux yeux à vous, n’est pas en contact avec lui, avec l’autre partie de lui-même).

2. Les clivages fonctionnels, habituellement temporaires, sont maintenus « pour isoler définitivement le Moi de blessures irréparables. Blessures narcissiques graves, deuils non faits, atteintes de toutes sortes, inélaborables, inintégrables. […] Elles [les blessures] font partie de ce qu’on connait mais dont on ne veut pas entendre parler et dont les enfants ne doivent rien savoir. Leurs questions seraient dangereuses » (Bayle, 1996).

3. « Les clivages structurels sont les résultats de défenses contre une carence narcissique par défaut de symbolisation et de subjectivation » (Bayle, 1996). Ces clivages caractérisent habituellement la psychose et la perversion. Ils impliquent une carence de la structure du moi et de sa fonction synthétique. Le clivage structurel est aussi engendré par un défaut de constitution du pare-excitation du sujet.

4. Pour Freud, la pathologie serait une accentuation inhabituelle de conditions normales du psychisme dont la composition de base fragmentaire, reste articulée (31ème conférence d’introduction à la psychanalyse, La décomposition de la personnalité psychique, 1933).

5. Cette expérience, souvent amusante de par son effet de surprise, évoque des unités bouclées qui néanmoins évoluent ensemble pour former un tout significatif. Je pense à la célèbre Monadologie de Leibniz dans laquelle « les Monades n’ont point de fenêtres par lesquelles quelque chose y puisse entrer ou sortir. Les accidents ne sauraient se détacher ni se promener hors des substances (...) Ainsi, ni substance ni accident ne peut entrer de dehors dans une Monade » (Leibniz, 1721).


Bibliographie

Bayle, G. (1996), Les clivages. Rev Fr Psychanal 60(5) : 1303-1548.

Bokanowski, T. (2023), Le « je… ne… pas… ». Dénégation (Die Verneinung) et clinique contemporaine. Rev Fr Psychanal 87(2) : 293-303.

Freud S. (1917 e [1915]), Deuil et mélancolie, Métapsychologie, trad. fr. J. Laplanche, J.-B. Pontalis, J.-P Briand, J.-P. Grossein, M. Tort, Paris, Gallimard, 1968 ; OCF.P, XIII, 1988 ; GW, X.

Freud S. (1923 b), Le Moi et le Ça, Essai de psychanalyse, trad. fr. J. Laplanche, Paris, Payot, 1981 ; OCF.P, XVI, 1991 ; GW, XIII.

Freud, S. (1933a [1932]) 31e leçon : la décomposition de la personnalité psychique. In Œuvres complètes XIX : 1931-1936 (p. 140-163). Paris : Puf, 1995.

Freud, S. (1940e [1938]) Le clivage du moi dans le processus de défense. In Œuvres complètes XX : 1937-1939 (p. 219-224). Paris : Puf, 2010.

Khoury M. (2007), Parler « côte à côte ». Rev Fr Psychanal 71(5) : 1709-1714.

Le Guen, C. (1996), Comme un cristal anisotrope discontinu. Rev Fr Psychanal 60(5) : 1663-1667.

Leibniz, W. G. (1721), La monadologie, Paris, Le Livre de poche.

Pragier, G., S. Faure-Pragier (1990), Un siècle après l’ « Esquisse » : nouvelles métaphores ? Métaphores du nouveau, Rev Fr Psychanal, t. LIV/6.


Résumé

Le clivage, très tôt apparu dans les textes de Freud avec ses premières découvertes (états hypnoïdes, clivage de la conscience dans l’hystérie, clivage entre conscient et inconscient, clivage des deux principes, plaisir et réalité, etc.) trouve ses lettres de noblesse quelques années avant sa mort dans deux textes majeurs : Le fétichisme (1927) et Le clivage du moi dans le processus de défense (1938). Dans ces deux textes, la notion se formalise et devient mieux spécifiée : les deux parties clivées du moi sont totalement séparées et fonctionnent parallèlement ; l’une et l’autre trouvent leur compte.

Cette découverte le met sur le chemin d’une autre notion autrement importante : si clivage et fragmentation opèrent avec beaucoup de doigté pour sauver le psychisme, c’est que « la fonction synthétique du moi » n’est plus opérante. Plus encore : les lignes de clivage du psychisme sont primitivement dessinées et la fonction synthétique qui tente de faire son travail défie l’hypercomplexité fonctionnelle et économique de la psyché humaine.
Le clivage – et la fragmentation – peut donc être aussi bien une défense, une solution qui viendrait sauver le psychisme humain d’un conflit sans dégagement, qu’une notion considérée comme une donnée de base qui contribue à la richesse et à la complexité du psychisme (clivage potentiel).

À considérer ainsi la fonction du clivage, l’écoute analytique prend une autre tournure, observant la totalité d’un paysage dispersé – néanmoins élémentairement organisé –, plutôt qu’un tableau déjà structuré par des grilles de lecture et des préjugés théoriques scrupuleusement adoptés.


Illustration : Pierpaolo Rovero, Paris plays.